PEDIAC : décrypter l’origine des cancers pédiatriques
La lutte contre les cancers de l’enfant et de l’adolescent (2 500 nouveaux cas chaque année en France) est l’une des principales priorités de la stratégie décennale contre les cancers 2021-2030, inscrite dans la feuille de route pour 2021–2025. Fédérant 11 équipes de Paris, Villejuif, Orsay et Lyon, le consortium pluridisciplinaire PEDIAC a été constitué suite à un appel à candidatures de l’Institut national du cancer (INCa), et lancé dès l’automne 2020, pour comprendre les origines et les causes des cancers pédiatriques. Entretien exclusif avec son coordinateur scientifique, le Dr Thomas Mercher, responsable de l’équipe Biologie des leucémies de l’enfant à Gustave Roussy.
Quels sont les principaux axes de travail du consortium ?
Dr Thomas Mercher : Le 1er axe est l’identification des facteurs de risque, notamment par des analyses génétiques (par exemple l’altération des voies de régulation de l’immunité) et épidémiologiques (l’exposition aux facteurs environnementaux). Nous allons nous appuyer sur des données en cours de collecte ou déjà collectées par les équipes du consortium, et nous pourrons récolter d’autres matériaux et développer des questionnaires pour étudier différents paramètres. Une des spécificités de notre projet est de pouvoir connecter des analyses épidémiologiques à des démonstrations moléculaires : le 2e axe vise à étudier, au cours des étapes du développement, quels mécanismes sont responsables de la sensibilité particulière des cellules conduisant à l’émergence d’un cancer. Le 3e axe porte sur le développement de modèles – notamment organoïdes – plus intégrés, plus fidèles, pour mieux comprendre les interactions entre cellules tumorales, et entre une cellule et son environnement. Cela nous permettra de tester expérimentalement l’impact de différents facteurs de risque.
Dr Thomas Mercher (Gustave Roussy), coordinateur scientifique du consortium PEDIAC :
« Une des spécificités de notre projet est de pouvoir connecter des analyses épidémiologiques à des démonstrations moléculaires ».
Comment PEDIAC est-il financé ?
Alors que les recherches sont souvent financées pour un type de tumeur ou un organe, nous adoptons une approche transversale, avec des focalisations qui s’opéreront en fonction des compétences des équipes engagées (ayant des financements additionnels propres), et au fur et à mesure des résultats obtenus. Prévu pour quatre ans, le consortium est lancé avec un financement gouvernemental géré par l’INCa, qui devra être complété pour développer ces focalisations : nous pourrons sans doute bénéficier de l’enveloppe allouée à la stratégie décennale, et les financements privés dans un deuxième temps seront les bienvenus.
Quels résultats concrets espérez-vous obtenir d’ici quatre ans ?
Concernant l’exposition aux pesticides, nous avons décidé de nous focaliser sur un nombre restreint d’entre eux, parmi les candidats les plus probables à ce jour, pour les doser et les étudier correctement sur des modèles moléculaires. Pour les axes 2 et 3, les tumeurs n’étant pas homogènes, il importe de caractériser précisément leur composition à l’échelle de la cellule individuelle, en travaillant sur un certain nombre de tumeurs différentes. L’un des objectifs clairs du consortium est d’amplifier les analyses en cellule unique à la fois sur les échantillons de tumeurs des patients, mais aussi sur nos modèles pour étudier la progression des cellules saines vers des cellules tumorales. Cet objectif s’échelonnera sur deux ou trois ans et permettra d’établir une cartographie de la spécificité pédiatrique de l’émergence des cancers.
Comment le projet s’articulera-t-il avec d’autres grands plans nationaux, comme le Plan France Médecine Génomique 2025 ou le Plan National Santé Environnement, et avec d’autres projets ou consortiums internationaux ?
Notre approche fondamentale est très complémentaire des orientations cliniques portées par le PFMG 2025 ou le PNSE. Ainsi, nous avons besoin de bien connaître la génétique des tumeurs : les données de séquençages générées dans le cadre du PFMG, auxquelles nous espérons pouvoir avoir accès, seront essentielles. De même nos travaux sur les expositions environnementales seront un pont vers des démonstrations expérimentales de ce que suggèrent les données en population, générées notamment via le PNSE. Si dans un premier temps, pour des raisons de structuration, nous mènerons nos travaux à l’échelle nationale, nous prévoyons des collaborations internationales à l’avenir. Nous utilisons déjà les analyses épidémiologiques réalisées par d’autres consortiums, par exemple le CLIC (Childhood Cancer & Leukemia International Consortium). Et certaines banques de données nationales sont déjà connectées à des bases européennes. Il est clair qu’au cours des prochaines années, toutes les approches menées par différents groupes seront beaucoup plus intégrées.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki