Alzheimer : l’espoir des traitements, l’enjeu du diagnostic
Alors que de premiers traitements modifiant le cours de la maladie d’Alzheimer ont récemment été autorisés aux Etats-Unis, la Fondation Vaincre Alzheimer présente, dans son premier rapport sur la recherche médicale, les autres pistes aujourd’hui explorées et insiste sur l’enjeu de pouvoir diagnostiquer les maladies dans les stades les plus précoces de la pathologie.
30 ans : c’est le temps qu’il aura fallu entre la formulation de l’hypothèse de la « cascade amyloïde » comme une cause de la maladie d’Alzheimer, et la mise au point de médicaments contre cette voie pathologique jugés suffisamment efficaces pour obtenir une AMM. 30 ans d’espoirs et d’échecs successifs, y compris en phase III. Mais aussi 30 ans de recherche et d’amélioration de la compréhension de la maladie, comme l’a rappelé Marion Levy, responsable études et recherche de la Fondation Vaincre Alzheimer, en introduction d’une conférence organisée le 14 septembre dernier par la Fondation pour la présentation de son premier rapport sur la recherche médicale contre cette maladie.
En 2023, la Fondation dénombre 141 candidats en développement clinique, dont 30 s’attaquent aux symptômes (troubles neurocognitifs ou neuropsychiatriques, à parité) et 111 aux causes de la maladie. « Sept voies sont aujourd’hui explorées », décrit Marion Levy. Aux côtés de la protéinopathie (qui inclut la voie amyloïde), visée par un tiers des molécules, figurent la neuroinflammation, la neuroprotection et le métabolisme. La neurotransmission, le système vasculaire et la génétique ne représentent à elles trois que 7 % des molécules au stade clinique.
L’hypothèse de la cascade amyloïde enfin confirmée
Après une première AMM conditionnelle controversée accordée en juin 2021 à un anticorps ciblant la cascade amyloïde, l’aducanumab (Aduhelm®) de Biogen et Eisai, un autre anticorps des mêmes partenaires, le lecanemab (Leqembi®), a obtenu une AMM américaine pleine et entière le 6 juillet dernier. L’agence américaine devrait rendre son verdict sur un troisième produit, le donanemab d’Eli Lilly, d’ici la fin de l’année. Deux anticorps qui, s’ils ne stoppent pas la maladie, sont capables de ralentir légèrement le déclin cognitif (évaluation à 18 mois) chez des patients en stade précoce, au prix toutefois d’effets secondaires non négligeables.
Comment expliquer que ces traitements, ciblant la même voie, montrent une certaine efficacité, au contraire de leurs prédécesseurs ? « Pendant longtemps, on a développé des anticorps contre le peptide amyloïde soluble, sans oser toucher aux plaques amyloïdes déjà installées dans le cerveau, analyse le Pr Julien Dumurgier, neurologue et chercheur au Centre de Neurologie Cognitive de l’Hôpital Lariboisière. Mais finalement c’est bien en s’attaquant à ces plaques que l’on a obtenu des résultats : ces nouveaux médicaments agissent en « nettoyant » le cerveau des patients, dont les résultats d’imagerie (Pet-Scan), après traitement, se rapprochent de ceux d’une personne non malade. »
La nécessité d’un diagnostic précoce
L’arrivée attendue à court-moyen terme de ces premiers traitements – même si aucun ne dispose encore d’une AMM européenne – renforce l’enjeu du diagnostic de la pathologie dès ses premiers stades. « Grâce aux plans de santé publique, la France a été précurseur dans le maillage de l’offre de soins et la structuration des parcours, applaudit le praticien. Mais le système français n’est pas encore prêt à diagnostiquer précocement – actuellement la maladie est plutôt dépistée au stade modéré. » S’il est possible de détecter les peptides bêta-amyloïdes et Tau (autre protéine s’accumulant dans le cerveau) avant l’apparition des symptômes dans le liquide céphalo-rachidien par ponction lombaire, cette approche n’est évidemment pas généralisable.
Pr Julien Dumurgier :
« La France a été précurseur dans le maillage de l’offre de soins et la structuration des parcours mais ne sait pas encore diagnostiquer très précocément la maladie d’Alzheimer. »
Parmi les travaux soutenus par la Fondation Vaincre Alzheimer, ceux du Pr Pierre Payoux, du Centre de Neuroimagerie de Toulouse (Université de Toulouse /Inserm) visent à diagnostiquer la maladie dans sa phase « silencieuse » grâce à de nouveaux biomarqueurs d’imagerie cérébrale et d’oculométrie, en lien avec des lésions cérébrales liées à la protéine Tau . Des études récentes indiquent qu’il serait également possible de détecter, grâce à l’IA, la présence de la protéine amyloïde au niveau de la rétine sur une photographie prise lors d’un fond d’œil – un examen courant en cabinet d’ophtalmologie en ville.
Pour le Pr Dumurgier, le plus grand espoir réside dans le dosage sanguin d’une forme phosphorylée de la protéine Tau. Depuis les premiers résultats positifs il y a trois ans, « les publications se multiplient… mais cela reste encore au stade de la recherche. » En attendant l’arrivée de ces nouveaux tests, « les outils numériques pourront aussi aider à affiner le diagnostic et sélectionner les patients les plus susceptibles de bénéficier de ces nouveaux traitements. »
Julie Wierzbicki