Sciences

ESMO 2024 : objectif survie… et qualité de vie

Le congrès annuel de l’European Society for Medical Oncology (ESMO) qui s’est déroulé à Barcelone du 13 au 17 septembre dernier, a confirmé le gain de survie globale à long terme apporté par l’immunothérapie dans plusieurs types de cancers. Ces survies pouvant atteindre plusieurs années imposent de se préoccuper davantage des toxicités de ces traitements et réinterrogent certains paradigmes.

Depuis une décennie, à chaque édition du congrès annuel de l’ESMO, un constat se renforce : on vit de plus en plus longtemps après un diagnostic de cancer – même si de très fortes disparités subistent. « Dans le monde, la majorité des individus diagnostiqués aujourd’hui seront des survivants à long terme, soit avec une maladie passée, soit avec une maladie chronique », a affirmé le Pr Ann Partridge, vice-présidente du département d’oncologie médicale du Dana Farber Cancer Institute aux Etats-Unis, s’exprimant lors de la session d’ouverture du congrès. Des avancées auxquelles ont largement contribué les immunothérapies de type inhibiteurs de point de contrôle immunitaire, dont les premiers résultats cliniques positifs ont été présentés il y a douze ans.
Ces anticorps ont d’abord fait leurs preuves dans le mélanome métastatique, qui était alors un cancer de très mauvais pronostic. Les résultats de dix ans de suivi de l’étude CheckMate-067, combinant le nivolumab et l’ipilimumab (Bristol Myers Squibb), font état d’une médiane de survie globale de six ans. Et chez les patients qui n’avaient pas vu la maladie progresser dans les trois premières années après traitement, la survie à dix ans a atteint 96 % ! « Avec toutes les options que nous pouvons utiliser, près de 50 % de nos patients sont encore en vie au bout de dix ans ! », s’est réjouie le Pr Caroline Robert, chef du service de dermatologie de Gustave Roussy lors d’un point presse.

L’efficacité des immunothérapies en traitement précoce confirmée

Ces dernières années ont aussi montré l’intérêt d’administrer ces thérapies dans les premiers stades de la maladie cancéreuse – le plus souvent en association avec une chimiothérapie – en situation dite « néoadjuvante », avant une intervention de type chirurgie ou radiothérapie. Des données de survie après plusieurs années de suivi sont venues, lors de cette édition de l’ESMO, confirmer ces bénéfices dans plusieurs types de tumeurs solides. Dans le cancer du sein triple négatif, les résultats finaux de l’étude Keynote-522, présentés lors du deuxième symposium présidentiel, indiquent que l’ajout du pembrolizumab (MSD) au stade néoadjuvant a fait monter à 86,6 % le taux de survie globale à cinq ans, contre 81,7 % avec la chimiothérapie seule, avec un risque de décès réduit de 34 %.
Lors du même symposium ont été dévoilés les résultats actualisés de l’étude NIAGARA, évaluant, dans le cancer invasif de la vessie, le durvalumab (AstraZeneca) en combinaison avec la chimiothérapie au stade néoadjuvant (versus chimio seule) puis, après une cystectomie totale, en monothérapie de maintenance (versus chimio) : cette nouvelle stratégie fait monter le taux de survie globale à deux ans à 73,5 %, contre 67,9 % dans le bras comparateur.
Compte-tenu de ces durées de survie rallongées, « il est particulièrement important de ne plus se focaliser seulement sur les données d’efficacité mais aussi sur les toxicités et profils d’effets secondaires pour offrir le meilleur équilibre à nos patients, y compris ceux ayant un cancer avancé », a plaidé le Pr Karin Jordan, onco-hématologue médicale à l’hôpital Ernst Von Bergmann (Allemagne), lors de l’introduction du premier symposium présidentiel.

Pr Karin Jordan (hôpital Ernst Von Bergmann )
« Compte-tenu de ces durées de survie rallongées, on ne doit plus se focaliser seulement sur les données d’efficacité mais aussi sur les toxicités et profils d’effets secondaires »

« La qualité de vie à long terme est une priorité majeure, a renchéri le Dr Marleen Kok, chef du groupe immunothérapie des cancers du sein du Netherlands Cancer Institute, en commentant les résultats de l’étude Keynote-522. Mais a-t-on les bons outils pour capturer les toxicités à long terme ? Je ne le crois pas. » Lors d’une conférence de presse organisée par l’ESMO en amont de cette présentation, elle a rappelé que le cancer du sein triple négatif touchait des femmes jeunes, et que l’on ne connaissait pas encore les conséquences à long terme de ces traitements sur la fertilité : « C’est un aspect que nous devons absolument étudier au cours des prochaines années ».

Des stratégies de préservation d’organe envisagées

Alors que la chirurgie reste au centre de la prise en charge en cancérologie, c’est pourtant de la préservation de l’organe atteint que pourrait venir le meilleur gain de qualité de vie. Si cet objectif est encore pour l’heure trop ambitieux dans le cancer invasif de la vessie, il semble en revanche atteignable dans le cancer du rectum, comme l’a démontré l’essai académique italien NO-CUT, présenté lors du troisième symposium présidentiel. Chez les patients ayant obtenu une réponse clinique complète grâce à un traitement par chimiothérapie, une stratégie de prise en charge sans chirurgie, s’accompagnant d’un suivi renforcé, permet de préserver l’organe dans 85 % des cas.
« Aujourd’hui le paradigme de la chirurgie radicale commence à être remis en question dans ce type de cancer », analysait le Pr David Sebag-Montefiore, directeur clinique de l’unité des essais cliniques du Leeds Cancer Research UK, lors d’un point presse en amont de cette présentation. Selon lui, la possibilité de proposer une préservation d’organe « dépend du niveau de réponse pathologique complète que l’on pourra atteindre avec les nouvelles thérapies systémiques ».

Pr David Sebag-Montefiore (Leeds Cancer Research UK)
« La possibilité de proposer une préservation d’organe dépend du niveau de réponse pathologique complète que l’on pourra atteindre avec les nouvelles thérapies systémiques »

« La préservation d’organe est une tendance générale en cancérologie, a confirmé le Pr Fabrice André, directeur de la recherche de Gustave Roussy et président élu de l’ESMO pour 2025-2026. Par exemple dans les cancers du sein avec surexpression d’HER2, des études récemment publiées ont testé avec succès l’hypothèse de la conservation mammaire. Se reposer sur ce qui a été fait dans le cancer du sein pourrait permettre d’avancer sur la préservation d’organe dans d’autres types de cancers. » Un véritable espoir pour les patients concernés, alors que l’incidence des cancers (tout type confondu) chez les personnes de moins de 50 ans a augmenté de 79 % depuis 1990.

La guérison, un espoir « raisonnable » ?

Par ailleurs ces survies à long terme réinterrogent la notion même de « guérison ». Jusqu’alors, le fait qu’il soit impossible de guérir d’un cancer métastatique n’avait jamais été contredit. Mais ce paradigme pourrait évoluer, du moins dans le mélanome métastatique.
« Je dis à mes patients : « J’espère vraiment que vous êtes guéri », mais je ne peux pas être affirmative », a témoigné Caroline Robert lors d’une conférence de presse organisée par l’ESMO. « Le sujet n’est pas que sémantique ! Dans le cancer métastatique, c’est la première fois que l’on rencontre de telles situations de survie prolongée, a souligné Fabrice André lors d’un point presse en marge du congrès. Guérir implique que la maladie ne revienne jamais… mais on aurait besoin de technologies extrêmement sensibles à l’échelle moléculaire pour affirmer qu’on ne détecte plus du tout de cellule malade dans l’ensemble de l’organisme. »

Pr Fabrice André (Gustave Roussy)
« Pour pouvoir parler de guérison, le suivi post-traitement devra être complété par des outils diagnostics extrêmement sensibles. »


« Il faut bien faire la distinction entre la maladie précoce et la maladie métastatique, a précisé Marleen Kok. Au stade précoce on guérit bien 80 % des patientes atteintes d’un cancer du sein. Mais il reste difficile de dire à un patient qu’il est guéri, quand on voit par exemple dans les cancers hormono-sensibles que des rechutes peuvent survenir quarante ans après. » « Le sujet est très sensible, a confirmé le Pr Benoît You, oncologue médical aux Hospices Civils de Lyon, lors d’un point presse organisé par MSD. Nous considérons que si la maladie n’est pas revenue au bout de cinq ans, cela ne devrait pas arriver, mais qu’il faut tout de même maintenir un suivi : pensons à la façon dont le patient va l’interpréter. » « Les traitements du cancer ne guérissent pas l’état pré-cancéreux – induit par exemple par le tabagisme ou une exposition répétée aux UV, a ajouté Fabrice André. Et dans ce contexte, la prévention tertiaire est absolument capitale. »

Julie Wierzbicki

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