Le plasma pour lutter contre le Covid-19
Alors que plusieurs études cliniques sont en cours pour étudier, chez des patients atteints de Covid-19, l’effet du plasma de sujets convalescents guéris, des médecins français veulent démarrer une recherche sur les immunoglobulines polyvalentes classiques.
L’étude clinique à l’initiative du Dr Cristina Belizna du CHU d’Angers et du Pr Patrick Cherin de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière à l’AP-HP, sur le plasma de donneurs volontaires sains pour soigner des patients Covid-19 en détresse respiratoire aigüe (SARS), n’a pas pu démarrer dans les délais. « Le temps a joué contre nous, avoue Patrick Cherin. Nous sommes arrivés trop tard pour bénéficier des procédures accélérées et les patients hospitalisés étaient déjà inclus dans d’autres protocoles cliniques. Nous relancerons le nôtre uniquement dans l’éventualité d’une seconde vague de l’épidémie. Toutefois nous observons des cas de syndrome de Kawasaki atypiques et/ou de myocardites post-infectieuses sévères chez de jeunes adultes ayant eu quelques semaines auparavant une infection par le Covid-19. Ces patients pourraient être traités par injection intraveineuse d’immunoglobulines issues du plasma, par analogie au traitement du syndrome de Kawasaki chez de très jeunes enfants dont c’est le traitement de référence. » L’équipe prévoit ainsi de monter un essai distinct pour tester ce type de traitement.
Un effet sur les myocardites post-infectieuses
« Nous pourrons jouir de procédures accélérées auprès de l’ANSM, du CPP et de la CNIL pour ce nouveau protocole, car il n’y a pas de traitement connu pour ces myocardites », anticipe le Pr Cherin. Le protocole est en cours d’écriture, porté par l’AP-HP, pour recruter 40 à 50 jeunes adultes, et éventuellement un autre groupe avec des enfants. Il s’agit d’une étude prospective ouverte, qui comparera l’évolution des patients avant et après injection du traitement intra-veineux en une fois. « Il nous est impossible de faire une étude randomisée, puisqu’il n’est pas éthique de faire un essai contre placebo chez des patients graves pouvant justifier de ce traitement, et qu’il n’existe pas de traitement de référence », poursuit le Pr Cherin, qui estime que des résultats pourraient être disponibles dans deux ou trois mois. L’industriel Octapharma fournira ses immunoglobulines Octagam® (IgIV) pour mener à bien cette étude.
Une réponse immune et inflammatoire exacerbée
Le plasma de volontaires sains contient des milliards d’anticorps dirigés contre des fragments de virus en tout genre. Ces immunoglobulines G sont largement utilisées pour traiter de multiples désordres immunitaires et efficaces contre des maladies auto-immunes et inflammatoires. Les auteurs du projet misent sur l’effet anti-infectieux et immunomodulateur des IgIV, dirigé contre l’hyper-inflammation caractérisée par une « tempête » de cytokines et une défaillance multi organes caractéristiques du Covid-19. « Cette approche thérapeutique conçue avec le plasma de donneurs volontaires sains rend ce médicament accessible en grand volume dès maintenant, se réjouit le PU PH. Peut-être que le plasma de patients convalescents guéris du Covid-19 serait plus efficace encore, mais il sera très long à récupérer ! »
Juliette Badina