Vers un marqueur prédictif des formes sévères de Covid-19
Dans une publication parue dans Science le 13 juillet, des équipes de l’Inserm, de l’Institut Imagine, de l’AP-HP et de l’Institut Pasteur décrivent une réponse altérée des interférons de type I dans le sang chez les formes graves de Covid-19.
Quel patient pourrait développer une forme grave de Covid-19 ? A cette question, des chercheurs viennent d’apporter une première réponse en démontrant qu’une faible réponse des interférons (IFN) de type I est associée à des formes sévères de la maladie. « Une découverte fortuite et inattendue réalisée par analogie avec une maladie génétique identifiée à l’Institut Imagine conduisant à une pathologie pulmonaire semblable, avec infiltration massive dans les poumons de neutrophiles et monocytes », se félicite le chercheur Inserm Frédéric Rieux-Laucat. Si l’hypothèse initiale supposait une production excessive des IFN de type I, les équipes de l’Institut Pasteur, de l’Institut Imagine et de l’AP-HP montrent au contraire une production et des IFN fortement diminuée dans les formes les plus sévères de Covid-19.
Un marqueur performant, mais peu disponible
« Les taux d’IFN de type I circulant caractériseraient même chaque stade de maladie, les taux les plus bas étant observés chez les patients les plus graves, précise Frédéric Rieux-Laucat. Ces résultats suggéreraient que dans l’infection à SARS-CoV-2 la production de l’IFN de type I est freinée chez l’hôte infecté, ce qui pourrait expliquer les formes sévères plus fréquentes chez des individus faiblement producteurs de cette cytokine, comme les personnes âgées ou ceux ayant des comorbidités », complète-t-il. Si l’interféron semble être un marqueur prédictif de la sévérité de la maladie, son dosage n’est pas forcément disponible aujourd’hui pour tous et partout, compte tenu de l’équipement nécessaire pour le détecter. « Le monitoring en temps réel de la production d’interféron alpha n’est à ce jour pas possible en routine, à l’exception de rares centres, indique en effet Benjamin Terrier, département de Médecine Interne, AP-HP. A ce stade, les marqueurs disponibles partout manquent de spécificité pour le Covid-19. Les marqueurs les plus performants comme l’interleukine-6, l’interféron alpha, et notamment le rapport IFN-alpha/IL-6, ne sont pas accessibles en routine. »
Vers un traitement combiné
Les chercheurs soulignent l’intérêt d’approches thérapeutiques associant l’administration précoce d’IFN de type I combinée avec une thérapie anti-inflammatoire ciblant l’interleukine IL-6 (comme le tocilizumab) ou le facteur de nécrose tumorale TNF-α, ou les corticoïdes (comme la dexaméthasone), chez les patients à risque d’évoluer défavorablement. « Le design de l’étude qui sera effectuée sera de comparer le traitement de référence au démarrage de l’essai (la dexaméthasone a démontré son utilité via l’essai RECOVERY, publié ; les résultats sur le tocilizumab sont en cours de publication dans le cadre de CORIMUNO-19 pilotée par l’AP-HP ; d’autres études sont en cours) à la même molécule combinée avec l’interféron alpha », décrit Benjamin Terrier. C’est un des bras prévus dans le cadre de l’étude CORIMUNO-19, qui permet la réalisation simultanée d’essais contrôlés randomisés de médicaments dirigés contre la réaction immunitaire et inflammatoire excessive qui peut survenir de façon brutale en général une semaine après le début des symptômes. « L’étude a été acceptée par le conseil scientifique de la plateforme, mais mise en stand-by compte tenu de l’accalmie observée sur le territoire, poursuit-il. Les patients qui pourront être inclus seront ceux hospitalisés et sous oxygène, une forme clinique corrélée à des taux faibles d’interférons de type I. A posteriori, il sera possible de déterminer les sous-groupes de patients où la réponse au traitement aura été la plus forte en fonction du taux d’IFN. »
Juliette Badina