Une semaine clé pour le programme EU4Health
Réunis en plénière, les députés européens ont massivement soutenu le projet de règlement EU4Health porté par la Commission européenne. Mais malgré un accord trouvé avec le Conseil européen, son budget devrait finalement être amputé de moitié par rapport à la proposition initiale.
Nouvelle étape franchie pour le programme européen pour la Santé, EU4Health. Prenant la forme d’un règlement européen pour la période 2021-2027, ce projet dévoilé le 28 mai par la Commission européenne prétend augmenter les capacités de résistance de l’UE aux crises sanitaires, accroître la souveraineté sur les produits de santé et répondre aux défis de plus long terme (1). Le « paquet législatif » adossé à ce programme a été officiellement présenté par la Commission européenne le 11 novembre dernier aux eurodéputés réunis en séance plénière. Lors du débat (le 12) et du vote de la résolution (le 13), les parlementaires ont majoritairement affiché leur soutien. « C’est en renforçant nos mécanismes de préparation et de réaction à tous types de crises sanitaires et en dotant les agences européennes de compétences et ressources accrues que la Commission européenne entame la construction d’une véritable Union européenne de la santé, s’est réjoui l’eurodéputée Véronique Trillet-Lenoir (groupe Renew Europe), rapporteur fictif de ce projet de règlement. Ce paquet législatif, une fois adopté par le Parlement et le Conseil, devrait nous permettre de répondre efficacement et conjointement à toute crise sanitaire quelle que soit sa cause. »
Plus de transparence sur la vaccination
Le Parlement a toutefois adopté plusieurs amendements afin de renforcer l’ambition de ce programme. Parmi eux figure l’ajout à la liste de ses objectifs spécifiques, celui de « s’attaquer à l’hésitation vaccinale et appuyer les mesures visant à éliminer les maladies évitables par la vaccination ». Alors que la course au vaccin s’intensifie, avec les premières annonces de résultats intermédiaires de phase III, la défiance vaccinale demeure en effet un enjeu majeur. La dernière étude internationale menée par le Forum économique mondial et Ipsos montre d’ailleurs un accroissement de cette défiance dans plusieurs pays européens, en particulier la France. « Nous devons éviter toute polémique inutile car ce vaccin est essentiel. Toutefois, tant que ce dernier n’est pas finalisé et validé par nos agences sanitaires, gardons-nous de jugements hâtifs qui risqueraient d’amplifier la défiance des citoyens », prévient l’eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé (Parti Populaire européen). Au cours de la session plénière, le Parlement a également demandé à la Commissaire à la santé Stella Kyriakides davantage de transparence à propos des accords d’achat anticipés conclus avec plusieurs fabricants.
Négociations budgétaire serrées
La question budgétaire s’est également jouée cette semaine. Le Conseil européen (organe représentant les Etats membres) avait sérieusement douché les espoirs de la Commission en ramenant en juillet dernier à 1,7 Md€ le budget de EU4Health, contre 9,4 Mds€ dans la proposition initiale de la CE. Le rapport du Parlement sur ce texte, piloté par l’eurodéputé Cristian-Silviu Buşoi, soutenait le budget d’origine. Mais à la veille de la séance plénière, coup de théâtre : un accord a finalement été conclu entre les négociateurs du Parlement et le Conseil pour augmenter de 15 Mds€ le cadre financier pluriannuel de l’UE sur la période 2021-2027. Sur ces 15 Mds€, 4Mds iraient renforcer Horizon Europe, le programme cadre européen pluriannuel de financement de la recherche… et 3,4 Mds EU4Health, ce qui établirait finalement son budget à 5,1 Mds€.
Faire de la santé une priorité
Le président du Parlement européen David Sassoli s’est félicité d’un « bon accord pour les citoyens européens. L’ensemble de ces dispositifs aidera les Etats membres à faire face à la crise actuelle tout en leur permettant d’investir dans l’avenir à long terme de l’Europe. » « Ce sont tout de même les Etats membres qui valident le budget. Que le Conseil accepte finalement de tripler sa proposition est une belle victoire, concède Nathalie Colin-Oesterlé. Maintenant, c’est aux Etats de prouver que les grands discours tenus durant cette crise sanitaire seront bien suivis d’effets, et qu’ils souhaitent également un programme ambitieux faisant de l’Union un espace où la santé des citoyens est la priorité. »
Outre l’entrée en vigueur de EU4Health dès janvier, l’année 2021 s’annonce chargée pour la Commission européenne, avec la publication attendue de la Stratégie pharmaceutique et du Plan cancer européen, et le lancement des travaux pour la création de la Health Emergency Response Authority, inspirée de l’agence américaine BARDA.
Julie Wierzbicki
(1) Voir Pharmaceutiques n°278 (juin/juillet 2020), p.37-39 : « Europe : la santé enfin au premier plan ».