Filière du médicament, « une révolution à ne pas manquer »
La crise sanitaire invite à repenser la filière du médicament dans son ensemble. Le député Philippe Berta, membre d’une mission d’information de l’Assemblée nationale sur le sujet, a dévoilé ses pistes de réflexion lors d’un café nile.
« On a pris une bonne claque avec la crise sanitaire. Il faut sortir par le haut de la catastrophe », a lancé Philippe Berta, député Modem du Gard, lors d’un café nile organisé à distance le 10 mars. Le généticien, rapporteur du groupe de travail « Attractivité des emplois et des carrières scientifiques » de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche 2021-2030, participe à une mission d’information de l’Assemblée nationale sur le médicament présidée par Pierre Dharréville (GDR, Bouches-du-Rhône), et qui devrait achever ses travaux en juin. Il a exposé des pistes de réflexion visant à « garder la souveraineté sur toute la chaîne de valeur, depuis la recherche fondamentale jusqu’à la mise sur le marché ».
Définir des priorités stratégiques
« La France a la volonté – voire la prétention – de couvrir tous les domaines. Cela conduit à une dispersion de moyens qui ne sont pas extensibles. Or il faut faire des choix, qui s’inscriront dans un environnement européen », prône Philippe Berta. Le gouvernement a lancé plusieurs appels à projets et appels à manifestations d’intérêt dans le cadre du plan de relance en vue d’augmenter les capacités nationales en production chimique et en bioproduction. Toutefois, la partie est loin d’être gagnée comme le montrent les projets de cession de Seqens, n°1 français et n°2 européen sur les ingrédients pharmaceutiques actifs, et d’Yposkesi, plateforme industrielle spécialisée dans les thérapies géniques et cellulaires contre les maladies rares. Ce deuxième projet « n’est pas une délocalisation », précise Christian Cottet, directeur général de l’AFM-Téléthon, fondatrice d’Yposkesi. « L’argent servira à consolider et accroître nos capacités de bioproduction. Nous sommes soutenus par Bpifrance et nous aurions aimé que d’autres acteurs publics et privés s’intéressent à cette initiative associative. Le dossier de cession est aujourd’hui étudié par le service de contrôle des investissements étrangers en France. »
Augmenter et cibler les financements
Ces projets signeraient-ils l’échec de la France à garder ses pépites ? Les moyens financiers alloués au développement des healthtech et biotech santé sont en effet largement insuffisants. « La création d’entreprises est facile… peut-être trop. Il serait utile de renforcer l’existant plutôt que de créer du nouveau », estime Philippe Berta. « Ces dernières années, les décideurs et les payeurs n’ont pas perçu ni intégré suffisamment le fait que la santé était un lieu magique d’innovation permanente, avec une vitesse incroyable, associée à des coûts de recherche proches de l’explosion », observe le député, qui plaide également pour une meilleure articulation entre les acteurs de la recherche académique, la revalorisation des métiers scientifiques ou encore l’amélioration du circuit d’évaluation du médicament.
Un secteur à part
Surtout, il invite à une réflexion sur la place de la filière dans les instances décisionnaires de l’Etat. « Le médicament est aujourd’hui dans la main du ministère de la Santé mais ce sujet concerne aussi le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et le ministère de l’Industrie. Il faut le sortir du système actuel et en faire filière à part », a exhorté Philippe Berta. « Le médicament pourrait être individualisé au sein d’une agence d’innovation en santé où les acteurs se retrouveraient de façon permanente pour simplifier la décision, travailler dans la continuité et échapper au financement annuel. L’idée a commencé à faire son chemin mais il faut appuyer sur l’accélérateur ! »
Muriel Pulicani