Accord-cadre : simple évolution ou vraie révolution ?
Le G5 Santé dresse un bilan circonstancié du nouvel accord-cadre Etat/industrie. Malgré plusieurs avancées notables, la prise en compte des investissements industriels et la croissance du marché pharmaceutique seront les deux principaux leviers du changement attendu.
Le Leem et le CEPS ont fini par s’entendre. Au terme d’une longue période de pourparlers, un nouvel accord-cadre a finalement été signé le 5 mars dernier*. Ce contrat trace les grandes lignes de la régulation économique du médicament pour une durée de trois ans. « Il consacre le caractère stratégique de notre secteur d’activité. Il confirme aussi toute l’importance du dialogue conventionnel. Il contient surtout des avancées notables… à condition qu’elles soient réellement appliquées », commente Didier Véron, président du G5 Santé**. Ses membres se félicitent notamment d’avoir été « écoutés » sur deux points clés : la reconnaissance des investissements industriels et la valorisation des exportations ; outre l’introduction d’un critère dédié au lieu de production dans les mécanismes de fixation des prix, un dispositif de stabilité tarifaire a été instauré pour les produits fabriqués en Europe et largement exportés. « Nous veillerons attentivement à leur transposition effective dans les futures négociations conventionnelles », insiste-t-il.
Des attentes précises
L’interprétation la plus fidèle possible de l’accord-cadre ou de la lettre d’orientation ministérielle ne compensera pas toutes les zones de fragilité, en partie révélées par la pandémie. « Il manque des mesures structurantes pour soutenir la production en France », regrette Didier Véron. Il fait plus particulièrement allusion aux ASMR V : « L’hypothèse d’un prix facial n’a pas été retenue pour ces médicaments. Cette disposition aurait pourtant permis de protéger les sites industriels implantés sur le sol français, sans surcoût associé pour l’assurance maladie. » Le G5 Santé souhaite également que la localisation de la production puisse être l’un des critères à retenir dans le cadre des appels d’offres hospitaliers. Autre attente majeure, le CSIS 2021 devra porter des « réformes constructives sur des sujets prioritaires ». Recherche, développement, (bio)production, évaluation… « Il faudra à la fois intégrer les thérapies les plus innovantes et préserver les produits de santé indispensables aux patients », souligne Didier Véron.
Une réforme au conditionnel
Aussi ambitieuse soit-elle, la reconquête industrielle ne fera pas tout. « Nous proposons un moratoire sur les baisses de prix imposées aux médicaments à fort enjeu d’indépendance sanitaire. Une liste de produits de santé essentiels dans des situations d’urgence devra être rapidement définie à l’échelon européen », suggère-t-il. Plus globalement, le G5 Santé réclame des moyens adaptés pour répondre aux besoins de la population. « La santé est trop souvent perçue comme un coût. Elle doit être traitée comme une politique publique à part entière, au même titre que la défense et l’éducation », estime Didier Véron. Le soutien à l’investissement et la croissance du marché pharmaceutique seront visiblement les deux principaux leviers du changement. « Le montant de l’enveloppe budgétaire consacrée aux dépenses de santé devra être significativement réévalué. Une logique pluriannuelle devra également être privilégiée, ne serait-ce que pour nous permettre de planifier plus facilement nos activités », prévient-il. Jugée urgente, cette révolution devra « impérativement » se concrétiser dans la LFSS 2022.
Jonathan Icart
(*) Le précédent accord-cadre était arrivé à échéance en 2019. Il avait été plusieurs fois prorogé, faute de compromis entre les parties concernées.
(**) Le G5 Santé est un cercle de réflexion qui rassemble les dirigeants des principales entreprises françaises issues du secteur de la santé et des sciences du vivant : Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier, Théa et bioMérieux.
Dans son édition d’avril, Pharmaceutiques consacre un dossier spécial à la nouvelle politique du médicament.