Prévention : le grand défi du quinquennat
Priorité affichée du précédent quinquennat, la prévention reste le parent pauvre des dépenses publiques. L’observatoire santé et innovation de l’Institut Sapiens propose des solutions concrètes pour exploiter son potentiel médico-économique.
La prévention sera-t-elle enfin considérée comme une priorité publique ? A tout le moins, l’intitulé du ministère confié à Brigitte Bourguignon marque une rupture idéologique. Derrière l’affichage politique, le nouveau gouvernement doit désormais concrétiser la promesse. Il doit rapidement dévoiler sa stratégie et investir massivement*. Au même titre que le progrès médical, l’accès aux soins et la santé mentale, la thématique fait partie des quatre grands chantiers du quinquennat, selon l’observatoire santé et innovation de l’Institut Sapiens, un cercle de réflexion indépendant et non partisan qui souhaite peser sur le débat économique et social. « La hausse des pathologies chroniques, accentuée par le vieillissement de la population et le péril infectieux, menace la santé de nos concitoyens et la soutenabilité du système de soins. Seule une approche préventive nous permettra de relever tous ces défis », estime Josette Guéniau, sa présidente. Citée en exemple, la pandémie a démontré ses bienfaits, notamment dans les domaines du dépistage et de la vaccination.
Une action globale
Les membres de l’observatoire santé et innovation plaident pour une action globale, en amont et en aval de la maladie. « La fausse bonne idée serait de réduire la prévention à ses dimensions primaires et secondaires. Il faut impérativement prévenir les complications liées aux affections de longue durée », souligne Josette Guéniau. Parmi d’autres recommandations, elle préconise notamment de promouvoir l’éducation à la santé dès l’école primaire, en associant les parents et en formant toutes les personnes au contact des enfants. Elle réclame également la généralisation immédiate des bilans de prévention dans les entreprises pour favoriser la détection précoce des signaux faibles. « Le CSE doit être doté de compétences spécifiques pour organiser et contrôler ces démarches. La contribution aux actions de prévention doit être un critère à part entière en matière de RSE. » Autre suggestion notable : le développement d’une rémunération forfaitaire significative, dédiée au suivi des parcours de soins des patients en ALD. Facilitée par le progrès technologique et la subsidiarité entre professionnels de santé, cette orientation nécessitera cependant l’intervention des assureurs complémentaires pour co-financer des paniers de soins de prévention tertiaire… propres à chaque pathologie chronique.
Des ressources directes et indirectes
A plus large échelle, la transition devra être appuyée par trois mesures transversales : remplacer le principe de précaution par un principe de prévention pour mieux anticiper, évaluer et gérer le risque sanitaire ; assouplir le cadre général d’utilisation des données de santé pour améliorer la prévention ciblée ; miser sur le déploiement de la e-santé pour stimuler les réflexes numériques des Français. « De nombreux services de télémédecine seront accessibles via mon espace santé qui doit devenir la porte d’entrée du site ameli.fr, la référence absolue pour tous les usagers du système de soins », rappelle Josette Guéniau. Comme souvent, rien ne sera possible sans un modèle économique stable et durable. « L’Etat devra fixer les grandes règles, tant sur le plan organisationnel que financier. Il devra dégager des ressources directes par le biais des cotisations sociales, complétées par une participation accrue de l’assurance maladie complémentaire. Il devra aussi renforcer les avantages fiscaux pour inciter les entreprises à agir. Ce serait un gain médico-économique majeur pour la collectivité. » A travers ces différentes propositions, les experts de l’Institut Sapiens entendent nourrir la réflexion, à l’aube des futures assises nationales de la santé, récemment annoncées par le président de la République.
Jonathan Icart
(*) Selon la Drees, la prévention institutionnelle représente moins de 2 % des dépenses de santé.