Obésité : un parcours en gestation
Patients et soignants devront faire front commun pour améliorer la prise en charge médicale de l’obésité. La mise en place d’un parcours de soins de proximité devrait y contribuer. La coordination et la co-construction seront les maîtres-mots de la transformation.
L’obésité est une pathologie chronique. Mal connue et reconnue, elle est trop rarement diagnostiquée comme telle. Facteur d’exclusion sociale, elle est vécue comme une souffrance par la plupart des patients, également victimes des idées reçues et des préjugés. Les experts réunis par Pharmaceutiques sont unanimes : la situation exige la mise en place d’un parcours de soins de proximité, coordonné par le médecin généraliste, pour redynamiser la prise en charge et réduire les comorbidités. Appuyées par la science et la biologie, la conscientisation et la compréhension de la maladie seront indispensables pour engager et poursuivre la démarche médicale, à laquelle nutritionnistes, diététiciens et psychologues devront être davantage associés. La teneur du discours et les messages délivrés seront essentiels pour instaurer une véritable relation de confiance entre l’individu et l’équipe soignante.
Ecouter et mobiliser
Délicate, la problématique devra être traitée avec la plus grande finesse, notamment dans le cadre du colloque singulier. « La stigmatisation augmente significativement le risque de devenir obèse ou de le rester. Il faut reconstruire la représentation mentale de cette pathologie, et casser le lien systématique entre alimentation et corpulence. Chacun doit s’affranchir de cette étiquette collée par la société pour avancer et créer une alliance thérapeutique durable », affirme Rudy Caillet, praticien hospitalier et directeur du centre nutritionnel des Hôpitaux civils de Colmar. Le dialogue, l’écoute et le respect seront des variables critiques pour déculpabiliser et mobiliser chaque patient. « Le médecin doit prendre le temps de cerner son histoire, son ressenti et ses attentes. Il doit ensuite faire le lien avec les autres soignants pour lui proposer des solutions globales et transversales », estime Jocelyne Raison, médecin nutritionniste et présidente du réseau Romdes. L’objectif est clairement affiché : favoriser la montée en compétences et améliorer la qualité de vie.
Innover et former
Complexe, la structuration des parcours devra tenir compte des réalités professionnelles et territoriales. « Nous devrons innover en fonction des besoins, des aptitudes et des disponibilités, mais aussi évaluer les dispositifs et dupliquer ceux qui fonctionnent », confirme Marine Abtan, chef de projets en santé chez Medtronic IHS France, qui mène une expérimentation triennale dans trois territoires pour « optimiser le suivi des patients obèses opérés ». Estampillée article 51, cette initiative doit permettre de consolider la pluridisciplinarité, la cohésion des équipes et la rémunération des acteurs, trois freins régulièrement constatés sur le terrain. Autre évolution souhaitable : la formation des différentes parties prenantes devra être renforcée pour maximiser les chances de succès. « Seule une volonté politique forte et audacieuse nous placera sur la voie de la professionnalisation. La collaboration devra impérativement reposer sur des principes de co-construction et de co-décision pour garantir le bien commun », relève Alina Constantin, présidente du conseil patients et responsable des relations internationales patients au sein de la Ligue nationale contre l’obésité. En progression constante, cette maladie des tissus adipeux touche 8,5 millions de Français.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la troisième table ronde du dernier colloque organisé par Pharmaceutiques.