Production et logistique des vaccins, les industriels peuvent-ils faire encore mieux ?
La deuxième table-ronde du colloque « Informer, protéger, vacciner » de Pharmaceutiques s’est intéressée aux enjeux logistiques des campagnes de vaccination contre le Covid-19, dans un contexte international dégradé. Les acteurs de la chaîne ont répondu au défi dans l’urgence et doivent dorénavant faire face à une demande plus durable.
« La crise du Covid-19 nous a appris beaucoup : à être plus flexible, à mieux collaborer avec les industriels pharmaceutiques et avec les différents acteurs de la logistique », assure Brice Bellin, directeur Healthcare & Lifesciences Europe de Bolloré Logistics, qui estime que cette expérience permettra de mieux gérer les suivantes. Le véritable challenge pour cet opérateur majeur du transport et de la logistique à l’international, a été celui de l’expédition et du stockage d’un vaccin à – 80°C. « Il a fallu travailler avec de nouveaux acteurs du secteur de la santé, des structures publiques ou encore des ONG pour organiser, souvent en situation d’urgence, le transport de bout en bout – jusqu’au dernier kilomètre – de ces produits pharmaceutiques, et autres produits indispensables, devenus prioritaires », rappelle-t-il. Luc Burgard, directeur des opérations de Recipharm, est lui venu témoigner du passage à une production en continu pour le vaccin de Moderna durant la pandémie. « La mise en place s’est faite en quelques mois, le temps du recrutement et de la formation du personnel », se félicite-t-il. L’Etat a eu comme mission d’anticiper les besoins de ces industriels en termes de matière première ou de sous-traitants et d’y répondre. Sa première action a été d’injecter de nouveaux financements. « Le bilan des investissements de l’Etat depuis 2020 s’élève ainsi à 800 millions d’euros, pour soutenir 80 entreprises dans le secteur de la production de vaccins, jusqu’à des verriers et fabricants de bouchons », indique Jean-Christophe Dantonel, directeur de programme Santé et Biotechnologies au Secrétariat général pour l’investissement (SGI). La deuxième a été de de mettre en place une task-force auprès d’Agnès Pannier-Runacher, alors secrétaire d’État auprès du ministre de l’Economie et des Finances, pour identifier les besoins et points de blocage administratifs.
Tirer les leçons de la crise
Pour Jean-Christophe Dantonel, la priorité est d’anticiper de nouveaux risques de fermeture des frontières et de dépendance à un marché mondialisé. « Dès juin 2020, nous avons rapatrié des capacités de production sur le territoire, via des financements de Bpifrance, notamment pour une production nationale de paracétamol », se félicite-t-il. Le façonnier Recipharm a tiré les enseignements de la crise et régionalise ses capacités. « Nous procédons à des investissements majeurs dans deux de nos usines françaises afin de tripler nos capacités dans les 18 mois, notamment en installant des unités modulables », indique Luc Burgard. Il mise également sur la coordination des besoins et l’innovation. « Nous travaillons à de nouvelles formulations vaccinales, par exemple des formes lyophilisées qui lèvent les contraintes d’approvisionnement qu’on a pu connaitre pendant la crise. Notre usine alsacienne va également produire un vaccin destiné aux nouveau-nés en Blow-Fill-Seal (BFS), un procédé de fabrication aseptique unique, automatisé et optimisé, pour la production d’unidoses, plus faciles à transporter et à administrer. » De quoi assurer une indépendance sanitaire pour demain.
Juliette Badina