IA&oncologie : la donnée à 360°

Pharmaceutiques et Asterès organisent, le 17, mars la seconde session de leur cycle IA&Santé, sur le thème « Comment l’IA transforme la vie des patients ». L’occasion de revenir sur le premier épisode, en décembre dernier, intitulée « IA&Oncologie, la donnée à 360° ».
L’IA révolutionne en profondeur le domaine de l’oncologie. Recherche fondamentale et clinique, compréhension de la maladie, diagnostic, traitements, suivi en vie réelle des médicaments, surveillance des patients… à tous les stades de la chaîne de valeur, les outils d’IA sont d’ores et déjà des puissants accélérateurs de performance, notamment parce qu’ils permettent de traiter des données à très grande échelle. La webconférence organisée en décembre par Pharmaceutiques et Astéres l’a une nouvelle fois démontré, en donnant la parole à des créateurs de start-ups, des représentants de centres de cancérologie et des porteurs de projet innovants. Fondateur de la start-up Gimli, Alexandre Yazigi évoque d’abord les nouvelles approches dans la prise en charge des cancers. « Aujourd’hui, on ne caractérise plus les cancers selon les organes, mais à partir du profil moléculaire des tumeurs, explique-t-il. Il faut une masse considérable de données pour les définir, répartir les patients en sous-groupe à partir de l’histologie de la tumeur, étudier les mutations éventuelles. Avec l’IA, nous gagnons un temps considérable dans l’analyse de la tumeur. » Le travail de Gimli est notamment d’aller chercher cette donnée dans les hôpitaux, à partir des comptes-rendus de prise en charge des patients. « L’objectif est de recueillir des données avec un niveau élevé de granularité, retraçant par exemple les dates importantes du parcours de soins du patient, d’éventuels antécédents familiaux, l’apparition de métastases. Une fois collectée, cette donnée doit être standardisée à partir de nomenclatures internationales, afin qu’elle puisse être utilisée dans des travaux de recherche clinique. »
Progresser dans les cancers à mauvais pronostic
Grâce à l’IA, de nouveaux champs de recherche s’ouvrent, comme l’illustre la start-up Cure51. « Notre but est de comprendre comment certains patients, atteints de cancers ultra-rares, parviennent à déjouer les pronostics de décès à court terme, explique Nicolas Wolikow, son co-fondateur. A peine 1 à 3% de ces patients sont concernés. Pour y parvenir, nous travaillons avec plus de 100 hôpitaux à travers le monde. L’IA nous permet de structurer et d’homogénéiser la donnée en peu de temps. Les informations recueillies aident les laboratoires à progresser dans la conception de leurs traitements, en analysant les profils des patients survivants. » Pour les start-ups engagées dans ces technologies, l’enjeu est de disposer de données de qualité suffisante pour entrainer les IA. « A défaut, nous ne pouvons progresser dans la compréhension des mécanismes de la pathologie », ajoute Nicolas Wolikow. Pour les industriels, le défi est similaire. « Nous avons besoin de travailler sur de la donnée issue des hôpitaux, afin de pouvoir les croiser avec nos propres données provenant de nos études cliniques, indique Fabien Schimdlin, directeur de la médecine translationnelle chez Servier. Mais les conditions d’accès à ces données restent difficiles et le niveau de qualité est hétérogène, ce qui complique l’analyse. » Servier fait partie des entreprises parmi les plus avancées dans l’usage de l’IA en oncologie. « Nous avons réalisé des acquisitions stratégiques, ces dernières années, pour que l’IA intègre progressivement toutes les étapes de la chaine de valeur de nos médicaments. Grâce à ces technologies, nous allons pouvoir réduire les phases de R&D de nos médicaments, mais également accélérer l’accès au marché et faciliter la démonstration d’efficacité par le biais d’études en vie réelle. »
La médecine personnalisée, un enjeu-clé
L’IA est également un vecteur majeur de performance pour les centres de cancérologie. « Elle est d’ores et déjà déployée dans l’ensemble de nos pratiques professionnelles, témoigne Amaury Martin, DG adjoint de l’Institut Curie. Elle nous permet de tout numériser à grande échelle. Les scanners de lame sont par exemple réalisés durant la nuit, ce qui nous fait gagner un temps précieux pour la pose d’un diagnostic. L’anatomo-cyto-pathologie et la radiologie sont les premières spécialités à recourir systématiquement à l’IA. Ces outils sont très utiles pour aller identifier la tumeur primitive. » Cependant, là encore, des progrès sont encore à parfaire pour un usage optimisé de l’IA. « C’est le cas pour aller plus loin dans l’étude de la biologie des tumeurs, estime Amaury Martin. La biologie repose sur une approche darwinienne, alors que les outils d’IA ne peuvent travailler qu’à partir de données massives, figées et répétitives. Saura-t-on demain les utiliser pour améliorer le soin au patient ? C’est l’enjeu de l’IA au service de la médecine personnalisée. »
Un écosystème à renforcer
L’écosystème de l’IA en oncologie reste à consolider, pour un usage à 360° de la donnée. C’est dans ce but qu’a été lancée, il y a trois ans, la Filière Intelligence Artificielle & Cancer (FIAC), comme le souligne son directeur général, Marco Fiorini. « Elle regroupe neuf industriels, et sa vocation est de démontrer ce que la France est capable d’apporter en matière de progrès dans la lutte contre les cancers, en s’appuyant sur le potentiel de l’IA. Aujourd’hui, l’IA nous permet de recueillir et d’analyser de la donnée de façon massive. Demain, l’enjeu sera de la produire, afin d’éclairer tous les processus de décision pour faire progresser la discipline. » Actuellement, la FIAC travaille notamment à faciliter l’accès précoce des patients aux traitements innovants, avant leur mise sur le marché. Et d’autres défis sont inscrits au programme de la feuille de route de la FIAC. « Nous souhaitons utiliser l’IA pour analyser les parcours de soins des patients et identifier les causes éventuelles de rupture de ce parcours, ajoute Marco Fiorini. Nous portons également plusieurs projets sur la question du diagnostic, avec l’ambition de l’optimiser pour favoriser des prises en charge plus précoces pour les patients. C’est notamment le cas pour le diagnostic du cancer du côlon. Enfin, nous pesnons que l’Ia peut nous aider à mieux mesurer la qualité de vie des patients, mais également à concevoir des bras synthétiques dans le cadre des essais cliniques, afin d’accélérer la démonstration de valeur tout en intégrant davantage de patients dans ces essais, qui peuvent contribuer à sauver des vies. »
Hervé Réquillart