La Commission européenne présente son « paquet pharmaceutique »
La « boîte à outils » que constitue cette ambitieuse refonte législative prétend améliorer l’accès aux médicaments, sécuriser les approvisionnements et mieux adresser les besoins médicaux non couverts, notamment celui de la résistance aux antimicrobiens, tout en offrant les conditions d’un renforcement de la compétitivité de l’industrie pharmaceutique européenne.
Elle était attendue depuis décembre 2022. Elaborée après « des négociations approfondies », la proposition de la Commission européenne pour une refonte de la législation pharmaceutique, dit « paquet pharmaceutique », a enfin été présentée ce jour, après plusieurs reports, à l’occasion d’une conférence de presse par Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne en charge de la promotion du mode de vie européen, et Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la Santé. Une révision à la fois cruciale et extrêmement complexe, fusionnant en une directive et un règlement (402 articles au total !) plusieurs textes dont les plus anciens ont plus de vingt ans, et visant à poser un cadre pour les deux prochaines décennies.
Garantir l’égalité d’accès à tous les citoyens
Les différentes mesures visent à répondre à six grands enjeux, résumés par Margaritis Schinas en « trois A » (« access, affordability, availability ») et « trois C » (« competitiveness », « compliance », « combatting antimicrobial resistance). « Nous proposons une boîte à outils qui met l’accès au centre », affirme Stella Kyriakides. L’enjeu est d’assurer le même niveau d’accès aux médicaments à l’ensemble des citoyens, dans tous les Etats membres de l’UE. Pour y parvenir, la Commission propose de moduler la période de protection réglementaire des données, actuellement de dix ans pour tous les médicaments. La nouvelle mouture ramènerait cette durée initiale à huit ans, avec la possibilité de « regagner » jusqu’à quatre ans de plus sous certaines conditions, dont deux ans en lançant le produit nouvellement autorisé dans les 27 Etats membres dans un délai de deux ans (trois ans pour les PME). Vivement critiquée en amont de la publication du texte par l’ensemble des représentants de l’industrie, cette modulation de la durée de protection est ainsi défendue par Margaritis Schinas : « Nous lions ces années supplémentaires à des conditions spécifiques, claires et prévisibles, répondant à des objectifs politiques. Mais l’Union européenne continuera à avoir l’un des systèmes d’incitations les plus généreux au monde, et cela ne changera pas ! ». « L’ambition de ce texte est de ne laisser personne en arrière », insiste Stella Kyriakides.
Nouvelles incitations et nouvelles obligations
Pour répondre à l’enjeu de médicament plus abordables, le texte vise à accélérer l’arrivée des produits génériques et biosimilaires et à accroître la transparence sur les prix, même si leur fixation reste du strict ressort des Etats membres. Le rôle de coordination de l’EMA sera renforcé dans la lutte contre les ruptures d’approvisionnement. Pour soutenir la compétitivité de l’industrie pharmaceutique européenne, la Commission mise sur des procédures d’évaluation simplifiée « sans rien céder en matière de sécurité pour les patients ». Le délai d’examen d’une demande d’AMM par le comité des médicaments à usage humain de l’EMA sera ainsi ramené à 180 jours. Les entreprises devront en parallèle se soumettre à de nouvelles obligations, notamment sur la gestion des risques environnementaux. Enfin, la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, menace prégnante sur laquelle la pandémie de Covid-19 a renforcé la prise de conscience, fera l’objet de mesures spécifiques pour rationaliser l’usage des antimicrobiens, et surtout regarnir les pipelines, aujourd’hui à sec. Un « voucher transférable » d’un an d’exclusivité supplémentaire sera octroyé à l’industriel demandant une AMM pour un nouvel antimicrobien, voucher qui pourra être utilisé pour un autre produit – y compris d’une autre entreprise, « sous des conditions strictes et transparentes », promet Stella Kyriakides.
La proposition de la Commission a été présentée dès cet après-midi devant le Parlement européen : le marathon des négociations ne fait que commencer.
Julie Wierzbicki
Vous trouverez une analyse plus détaillée des mesures du « paquet pharmaceutique » et les réactions des parties prenantes dans le numéro de juin de Pharmaceutiques.