Bioproduction : les prémisses d’une filière
Les six intégrateurs industriels labellisés par le Grand défi Biomédicaments se sont présentés à l’occasion du 5e congrès Bioproduction organisé par Mabdesign. Leur mise en réseau pourrait constituer la première étape de la structuration d’une filière industrielle française dédiée aux biomédicaments, un objectif majeur du Contrat de filière santé.
Figurant parmi les enjeux principaux du Contrat stratégique de filière industries et technologies de santé (CSF), signé en février 2019 par les industriels de santé et le gouvernement, la production de biomédicaments est aussi le dernier des quatre « Grands défis », mis en place en janvier 2020 par le Conseil de l’innovation (1). A l’occasion du 5e congrès de la Bioproduction (organisé par l’association industrielle MabDesign), qui se tient les 29 et 30 septembre, Emmanuel Dequier, directeur du Grand défi « Biomédicaments : améliorer les rendements et maîtriser les coûts de production », a présenté l’état d’avancement de ce programme. Celui-ci est doté de 30 M€ pour trois ans par le Fonds pour l’innovation et l’industrie. « Les Grands défis doivent répondre à un enjeu sociétal fort, et reposer sur un écosystème d’excellence au plan de la recherche et de l’industrie, avec d’importants débouchés commerciaux », a-t-il rappelé en préambule.
« En France, les capacités de bioproduction sont sous dimensionnées par rapport aux besoins émergents. »
Emmanuel Dequier, directeur du Grand défi « Biomédicaments : améliorer les rendements et maîtriser les coûts de production »
Si la France peut se montrer fière de « la richesse de son tissu de R&D et de compétences et de son écosystème d’innovation », celui-ci « n’est pas structuré en filière » et les capacités de production sont « sous dimensionnées par rapport aux besoins émergents », souligne-t-il. L’enjeu sociétal, lui, réside dans le maintien de l’accès à ces biomédicaments (anticorps et médicaments de thérapies innovantes) très onéreux. L’objectif affiché de ce « Grand défi » est ainsi d’améliorer les procédés technologiques pour réduire le coût de la bioproduction, et par conséquent celui des médicaments qui en résultent.
Encourager l’innovation sur les procédés
Le Grand défi biomédicaments repose sur deux piliers. Le premier porte sur le soutien à l’innovation. « Il s’agit de développer les outils pour augmenter les rendements d’un facteur 10 à 1 000, un objectif partagé par le Contrat de filière », décrit Emmanuel Dequier. Deux appels à projets ont déjà été ouverts par bpifrance, l’un sur le « pilotage en ligne », l’autre sur « l’usine modulaire ». Un 3e appel à projets, opéré par l’ANR, doit être publié d’ici deux semaines et portera sur les « nouveaux systèmes d’expression ».
Le deuxième grand pilier, visant la structuration de la filière, vient de franchir une étape majeure avec la mise en place du réseau national des « intégrateurs industriels ». Six intégrateurs (2), plateformes de recherche, développement et innovation, ont été labellisés en juillet dernier. Le 5e congrès bioproduction leur a donné pour la première fois l’occasion de se présenter à l’ensemble des acteurs de la filière. Tous proposent une offre diversifiée d’équipements et services (ingénierie de procédés, mise à l’échelle, contrôle qualité…) pouvant être mis à la disposition de tiers dans le cadre de prestations ou de collaborations. « Pour chaque plateforme labellisée, le Grand défi finance un poste de chargé de mission sur une période de 18 mois, afin d’initier la politique partenariale des intégrateurs », précise Emmanuel Dequier. La participation aux appels à projets du programme pourrait leur permettre, s’ils sont lauréats, d’obtenir des financements complémentaires issus de ce programme.
Améliorer l’attractivité de la France
Au-delà des trois ans du programme Grand défi, « le principe sera de pérenniser l’initiative Intégrateurs industriels à travers des actions du CSF, qui a une visibilité à dix ans », espère Emmanuel Dequier. « En complément de cette première étape, l’objectif du CSF est de renforcer le réseau mis en place par le Grand défi, permettant de faire évoluer certaines structures et/ou d’en accueillir de nouvelles, en fonction des besoins de la filière, complète Isabelle Thizon-de-Gaulle, vice-présidente relations scientifiques et initiatives R&D pour l’Europe de Sanofi et co-pilote du projet structurant bioproduction du CSF. L’innovation est importante pour améliorer la productivité de nos procédés. Mais nous ne pourrons pas améliorer le système si nous n’améliorons pas dès maintenant l’attractivité de la France, en créant un environnement propice sous l’angle industriel. » Celle-ci se réjouit que le plan de relance, lié à la crise du Covid-19, soit « en phase avec les besoins de la filière ». 18 mois après la signature du CSF, la feuille de route a été « affinée ». « Nous avons établi une cartographie des compétences de la France et mené des comparaisons internationales, qui nous ont amenés à établir des priorités dans la stratégie », explique-t-elle. La nouvelle mouture, formalisant la stratégie à un horizon de dix ans, devrait être dévoilée en octobre prochain.
Julie Wierzbicki
(1) Structure étatique installée en juillet 2018, le Conseil de l’innovation est co-présidé par les ministres de l’Economie et des Finances, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et composé de représentants de différents ministères et de personnalités qualifiées.
(2) MAGENTA (Manufacturing Cell and Gene Therapy Advances / Corbeil-Essonnes), MTInov (Vandœuvre les Nancy), Centre MEARY (AP-HP / Paris), CPV (Centre de Production de Vecteurs / Nantes), Plateforme d’Innovation en Biothérapies de l’EFS (Besançon), TIBH (Toulouse Industrial Biotechnology for Health)