La filière HealthTech gagne en maturité
Si les entreprises du secteur de la HealthTech atteignent un âge moyen de neuf ans, avec des effectifs moyens en hausse, l’accès aux financements reste particulièrement difficile pour celles-ci. Les montants des levées de fonds en France ont encore reculé de 32 % l’an dernier par rapport à 2022.
L’association France Biotech a présenté ce 27 février la 21e édition de son « Panorama France HealthTech 2023″*, secteur qui regroupe 2 660 start-ups et PME françaises des technologies innovantes de la santé. La filière compte 820 biotech, 1 393 medtech et 450 sociétés de numérique en santé et IA (dont le nombre a doublé en quatre ans). L’écosystème compte 15 000 emplois directs sur le territoire, en hausse de 19 % en deux ans, témoignant de la vitalité du secteur. Avec un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros en 2022 (versus 794 M€ en 2020, soit un taux de croissance annuel moyen de +33%), la filière gagne en maturité et en croissance. « Attirant près de 1,8 milliard d’euros en levées de fonds, dont 969 M€ en capital-risque, la France est le 2e pays européen en montants levés en capital-risque derrière le Royaume-Uni », indique Franck Mouthon, président de France Biotech, notant la résilience et le dynamisme de l’écosystème HealthTech. La France est également au 2e rang en nombre d’opérations en capital-risque en 2023. Malgré des premiers constats positifs, l’étude montre que ces financements sont en baisse de 32 % sur un an en montants des levées de fonds et même de 45 % pour ceux en capital-risque. Les entreprises du secteur ont des difficultés à se financer dans un contexte macro-économique difficile.
Le financement : une préoccupation majeure
Les entreprises ont eu davantage de difficultés pour se financer en 2023 et le nombre de liquidations de sociétés a augmenté (39 biotech en 2023 versus neuf en 2020). La problématique du financement s’est fortement accentuée en 2023 pour les entrepreneurs (63 % des entreprises sont en levée de fonds ou compte lever des fonds dans les six prochains mois) avec un contexte macroéconomique et financier incertain, la hausse des taux d’intérêt, une sélectivité plus forte des investisseurs. Il est constaté une baisse de -17 % à 6 milliards d’euros des niveaux d’investissements (capital-risque et IPO) dans la HealthTech en Europe. « La tendance à la réduction des financements dans le domaine de la santé, constatée en 2022 en Europe, a impacté la France en 2023. Cela s’est traduit par de timides introductions en Bourse, et aucune en France, explique Cédric Garcia, partner chez EY. Mais les refinancements des sociétés cotées du secteur se sont maintenus à un bon niveau avec plus de 500 M€ levés en France (en baisse de 13 % tout de même) ». « A fin 2023, 122 entreprises HealthTech (dont 70 françaises) sont cotées sur les marchés d’Euronext, et représentent une capitalisation boursière de 42 Mds€ (6 Mds€ pour celles françaises) », cite Guillaume Morelli, directeur Listing France, Espagne, Portugal d’Euronext.
Sur 2024, la feuille de route de France Biotech s’attachera à travailler spécifiquement sur les enjeux de financements sur l’ensemble de la chaîne de valeur, notamment dans la perspective de la réindustrialisation stimulée par le Plan Innovation Santé France 2030. « Bpifrance, opérateur clé de France 2030, poursuit le financement de la filière santé avec près d’1,2 milliard d’euros d’aides et d’investissements en 2023 (+19 % sur un an), et 4,3 milliards sur les trois dernières années », chiffre Beatrice De Keukeleire, responsable sectorielle Innovation au sein de la banque publique. Une autre préoccupation des entrepreneurs est le développement de partenariats industriels comme moyen de financement pour la filière.
Une nécessaire internationalisation
« La filière des HealthTech françaises a atteint un nouveau niveau de maturité avec une part de plus en plus importante de sociétés présentes sur les marchés internationaux, atteignant les trois-quarts d’entre elles », commente Chloé Evans, adjointe au directeur général de France Biotech, en charge des études sectorielles et des relations internationales. Les Etats-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont les marchés les plus ciblés pour commercialiser leurs produits. Le nombre d’entreprises de la HealthTech au stade de commercialisation augmente en 2023 et atteint 50 % en moyenne (+ 3 points en un an). La part est de 25 % pour les biotech et atteint 77 % pour les sociétés de la santé numérique et de l’IA. Les biotech développent en moyenne trois produits, et 10 % d’entre eux ont été commercialisés. Parmi eux, 21 % sont dans le domaine des maladies rares. « Les biotechs françaises sont leaders en Europe en matière de soutien à l’innovation pour les patients atteints de maladies rares. Avec 178 approbations, elles disposent du plus grand portefeuille de médicaments approuvés dans le domaine sur le continent », témoigne Emilie Moussin, BD Manager Senior France et Benelux de Citeline. Les entreprises françaises détiennent un vaste pipeline dans le domaine, avec plus de 200 médicaments (pour 84 % d’entre eux découverts localement, alors qu’ailleurs en Europe, il est plus courant d’obtenir des licences d’innovation auprès de partenaires extérieurs) en cours de développement. La France attire un grand nombre d’innovateurs étrangers pour mener des études portant sur les maladies rares. Un essai clinique démarre ainsi quasi chaque jour en France dans le domaine. Plus généralement, les investissements en R&D des acteurs de la healhtech française marquent ainsi une reprise, à 1,3 milliard d’euros.
Juliette Badina
* Panorama réalisé en partenariat avec Banque Populaire, Bpifrance, l’expert en data et solutions cliniques Citeline, la première bourse paneuropéenne Euronext, et le cabinet d’audit et de conseil EY