Big Pharma : les acquisitions ne sont pas terminées
Des opportunités de rachats s’offrent aux laboratoires, après la baisse des cours en Bourse de leurs cibles, comme l’explique Rodolphe Renac associé et président des activités d’Alcimed aux Etats-Unis. Fortes de trésoreries abondantes, les entreprises de santé ne comptent toutefois pas dépenser sans compter.
Les Big Pharma ont constitué un important matelas de trésorerie. Jusqu’à présent, elles procèdent à des emplettes avec parcimonie. Pour quelles raisons ?
Fin 2021-début 2022, les 20 premiers groupes pharmaceutiques disposaient de 1,8 à 2 trillions de dollars de capacités d’investissement en vue de réaliser des acquisitions, à comparer à 1,4 trillions fin 2020. D’aucuns pariaient alors sur une accélération des opérations de croissance externe en 2022, facilitée par le dégonflement de la bulle des prix des biotechs. Toutefois, malgré leur recul en Bourse, les cours des cibles demeurent historiquement élevées. En outre, les Big Pharma restent focalisées sur des acquisitions stratégiques, sans avoir aucunement l’intention de dépenser l’argent sans compter.
Quelles sont les motivations de ces acquisitions stratégiques ?
De nombreux rachats sont effectués pour se procurer un ou plusieurs actifs prometteurs, innovants, voire un pipeline entier. Par exemple, GSK a fait tomber dans son escarcelle Affinivax en mai dernier pour 2,1 Mds$ dans le but de se renforcer dans les vaccins ainsi que Sierra oncology en avril pour 1,9 Mds$ et ce, pour renforcer sa division oncologie. En immuno-oncologie où la concurrence fait rage, les primes sur les derniers cours côtés sont souvent très élevées. En avril, Amgen a mis sur la table 4 Mds$ pour reprendre ChemoCentryx en offrant une prime de 116 % et en juin, Bristol Myers Squibb a acheté Turning Point Therapeutics avec une surcote de 122 %.
Autre motivation : acquérir du chiffre d’affaires. C’est le cas de Pfizer qui est le seul à avoir réalisé trois acquisitions depuis le début de l’année : Global Blood Therapeutics à hauteur de 5,4 Mds$, Biohaven (l’un de ses partenaires, biologiques pour la migraine) pour 11,6 Mds$ et Reviral (anti-infectieux pour renforcement spécifique de pipeline) pour 525 M$. Forte d’une trésorerie toujours conséquente, les Big Pharma devraient poursuivre sur la voie de la croissance externe ciblée dans les mois, voire les années à venir. Le but : parfaire leur expertise dans les maladies rares, en oncologie et dans les technologies avancées. Au troisième trimestre, la cadence des rachats s’est déjà légèrement intensifiée avec un nouveau recul des cours de Bourse des biotechs. Si certaines opportunités à saisir resteront sous-évaluées attirant les sociétés à l’affût de rachats, les prix de certaines cibles pourraient sensiblement monter en fonction de l’appétence des différents laboratoires pour le domaine thérapeutique ou la technologie visés.
Faut-il pour autant conclure à la fin des mega-fusions ?
Ces Big deals ne sont pas totalement exclus mais ils devraient se compter sur les doigts d’une main. Des bruits bruissent toujours sur une fusion d’un grand laboratoire pharmaceutique avec l’américain Vertex dont le chiffre d’affaires est ressorti à 7,57 Mds$ en 2021. Cette société de biotechnologie commercialise plusieurs traitements de la mucoviscidose. Elle recèle un portefeuille de candidats médicaments dans la drépanocytose, la bêta-thalassémie, la douleur, le déficit en alpha-1 antitrypsine, la dystrophie musculaire de Duchenne et dans les maladies du rein à médiation APOL1. Elle s’est aussi développée dans la thérapie génique ainsi que la thérapie cellulaire pour diabète de type 1, depuis son rachat de Semma Therapeutics tout en devenant partenaire de CRISPR Therapeutics en avril 2021. Elle pourrait représenter une cible de choix pour un laboratoire désirant se renforcer dans les maladies rares.
Christine Colmont