Intelligence artificielle : la promesse d’une médecine augmentée
Selon une étude réalisée par IQVIA pour LaJaPF, l’intelligence artificielle devrait significativement améliorer l’organisation, la qualité et l’efficience des soins. Certains freins majeurs devront néanmoins être levés pour exploiter pleinement son potentiel médical.
Trois ans après la télémédecine, l’association des laboratoires japonais présents en France* et le cabinet IQVIA se sont penchés sur les performances, les impacts et les conditions du déploiement de l’intelligence artificielle en médecine**. Principal enseignement de cette étude transversale : sa diffusion dans le système de santé devrait significativement améliorer l’organisation, la qualité et l’efficience des soins. « Cette conclusion est le fruit d’une analyse qui repose sur des modèles concrets et des faits documentés. L’ampleur des phénomènes décrits sera essentiellement fonction du degré d’imprégnation technologique des filières médicales », commente Patrick Errard, président de LaJaPF et président de la commission innovation du Medef. Totalement inédits, les résultats obtenus s’appuient sur une « méthodologie originale ». A la fois innovantes et représentatives, quatre applications usitées ont été sélectionnées selon des critères stricts. « La maturité, la reproductibilité et la valeur ajoutée ont été des variables prédominantes dans les choix opérés », souligne Stéphane Sclison, senior principal chez IQVIA France. Outre la littérature scientifique, les travaux ont été enrichis par des retours d’expérience et des témoignages d’experts.
Des bénéfices concrets
Intuitifs mais rarement démontrés, certains bénéfices quantitatifs et qualitatifs ont pu être qualifiés. Plus libre, le médecin pourrait consacrer davantage de temps à ses patients, notamment pour mener des actions de prévention. Plus rapide, le diagnostic serait aussi plus précis. Plus structurée, la prise en charge serait plus efficace et moins coûteuse. Autre tendance lourde : les quatre exemples présentés pourraient avoir des répercussions notables d’ici à trois ans. Service de dépistage à grande échelle des maladies oculaires, OphtAI pourrait réduire de moitié le délai d’accès et le risque de cécité. Logiciel de contourage automatisé des tumeurs et des organes en radiothérapie, ART-Plan Annotate pourrait procurer un gain de temps médical estimé à 90 %. Solution de gestion et d’anticipation des flux de patients à l’hôpital, Calyps Saniia pourrait générer plus d’un milliard d’euros d’économies par an. Web-application de suivi des personnes atteintes d’un cancer du poumon, Moovcare aurait une incidence positive sur la qualité de vie, tout en améliorant le pronostic de la maladie***. Spectaculaires, ces projections sont toutefois soumises à conditions. « Les modélisations effectuées tablent sur un niveau d’utilisation croissant propre à chacun des dispositifs étudiés », signale Stéphane Sclison.
Des recommandations fortes
Rentabilité, responsabilité, interopérabilité, sécurité… Plusieurs freins majeurs devront être levés pour exploiter pleinement le potentiel de l’intelligence artificielle. Les attentes varient naturellement selon les cibles. Médecins et industriels plaident pour une doctrine d’évaluation claire et évolutive. Patients et autorités plébiscitent un modèle de développement axé sur la co-construction. Une orientation stratégique fait néanmoins l’unanimité : la définition d’un cadre économique viable. A l’aube de la troisième révolution industrielle, la formation et la production seront deux paramètres déterminants. « Les ressources médicales et les compétences spécifiques font cruellement défaut. Il manque également des champions nationaux capables de porter l’innovation », rappelle Nicolas Bouzou, économiste et directeur du cabinet Asterès. Au-delà du constat, cette étude sera prochainement remise aux ministères de la santé, de l’enseignement supérieur et du numérique. Ses promoteurs veulent alimenter le débat public et convaincre le pouvoir politique. « La médecine du futur sera augmentée par l’IA ou ne sera pas », insiste Patrick Errard, qui réclame un plan et une feuille de route pour « aligner les objectifs des différents acteurs et favoriser l’intégration des outils dans la société ».
Jonathan Icart
(*) LaJaPF est une association à but non lucratif qui regroupe les filiales françaises des huit principaux laboratoires japonais : Astellas, Chugai, Daiichi-Sankyo, Eisai, Kyowa Kirin, Otsuka, Santen et Takeda.
(**) « Les impacts de l’intelligence artificielle en médecine », LaJaPF/IQVIA (novembre 2021).
(***) Seule et unique thérapie digitale remboursée par l’assurance maladie, Moovcare se distingue par une nette amélioration de la survie globale des patients par rapport à un suivi conventionnel. Selon les dernières données cliniques, elle est estimée à 7,6 mois.
Retrouvez tous les détails de l’étude et des analyses complémentaires dans notre édition spéciale de décembre.