Sylvie Ponchaut, directrice de BioWin : « Nous avons un vrai rôle d’orientation stratégique »
Le cluster biotech de la région wallonne en Belgique, BioWin, créé en 2006, a historiquement mis l’accent sur les biothérapies et se renforce sur les médicaments de thérapies avancées. En amont du BioWin Day organisé le 21 septembre prochain, sa directrice Sylvie Ponchaut analyse pour Pharmaceutiques les forces et faiblesses de la Wallonie et dévoile quelques projets en préparation.
Quelles sont les missions de BioWin aujourd’hui ?
Sylvie Ponchaut, directrice de BioWin : Elles ont sensiblement évolué ! A sa création le cluster était centré sur le montage de projets de recherche et d’innovation. C’est toujours notre centre de gravité, mais le gouvernement nous demande aussi d’impacter l’économie par le biais de l’innovation et nous veut force de propositions dans la définition des politiques industrielles du secteur. Notre rôle ressemble un peu à celui de votre comité stratégique de filière en France. Par exemple, le gouvernement nous a demandé d’établir une feuille de route stratégique et opérationnelle sur les grandes filières d’avenir, compte-tenu de la composition de notre écosystème : nous devrions remettre notre rapport d’ici la fin de l’année.
En Belgique la recherche est une compétence régionale. Et dans le gouvernement wallon, c’est le même ministre (Willy Borsus) qui est en charge de la Recherche, de l’Economie et de l’Innovation, et ce depuis plusieurs législatures : c’est un confort extraordinaire, pour un pôle de compétitivité, d’avoir un seul interlocuteur sur ces sujets – et cela contribue à nous rendre plus efficaces. La filière pharma est aussi très mature en Flandres. En dehors d’un manque de coordination des instruments financiers pour la recherche, que nous déplorons, nous travaillons énormément avec nos homologues flamands, pour faire jouer nos complémentarités et éviter les redondances.
Sur quels axes BioWin concentre-t-il ses efforts ?
Nous poussons le développement de trois grandes filières. La première, notre « filière historique » qui se construit depuis plus de 60 ans en Wallonie, est la filière biopharmaceutique, avec les vaccins, les biomédicaments, les médicaments de thérapies avancées (ATMP), c’est-à-dire les thérapies géniques, cellulaires et tissulaires. Nous avons un focus très fort sur ces dernières, avec beaucoup d’initiatives en préparation qui seront lancées dans les trois prochaines années. Citons parmi elles un gros appel à manifestations d’intérêt lancé auprès des acteurs de la filière ATMP pour la renforcer du point de vue technologique et industriel : nous sommes en train d’évaluer les propositions et nous les soumettrons au gouvernement dans les prochaines semaines, pour que les projets puissent démarrer à partir de janvier 2024. Nous voulons aussi développer un portefeuille de formations spécifiques. Notre initiative d’accélération de la digitalisation des bioprocédés, BioMan, déjà en cours, vient d’être renouvelée.
Parallèlement nous souhaitons consolider la filière medtech, plus émergente et moins structurée en Wallonie. Celle-ci rencontre de nombreuses difficultés, notamment vis à vis de la directive européenne sur les dispositifs médicaux qui freine vraiment ce secteur. Toutefois nous commençons à atteindre une masse critique dans le domaine des produits radiopharmaceutiques et du développement des équipements associés. Nous portons enfin la filière e-santé, numérique et IA appliquée aux données de santé. Nous travaillons avec nos homologues flamands pour interpeler les autorités fédérales sur toute une série de problématiques, en particulier sur l’utilisation secondaire des données de santé à des fins de recherche, et bien nous aligner avec l’espace européen des données de santé. Nous préparons actuellement un mémoire que nous remettrons en fin d’année au ministre de la Santé.
Quels sont vos atouts pour maintenir votre compétitivité vis-à-vis des autres bioclusters européens ?
Rester compétitif vis-à-vis de la Suisse ou de l’Ile-de-France demande des efforts constants. Nous sommes une petite région : c’est une faiblesse en termes de masse critique et de capacités d’investissements. Nous avons dû faire des choix : par exemple nous avons pris le parti d’être moins présents sur les molécules chimiques, ou encore les nanotechnologies, pour nous concentrer sur les biothérapies. Mais c’est aussi une grande force, car cela nous oblige à cibler nos actions de manière intelligente. Et une telle densité d’entreprises et d’acteurs sur un si petit territoire favorise grandement les interactions ! La taille très réduite du marché belge oblige les entreprises à intégrer dès le début le développement international dans leur business model. L’absence de masse critique se compense par davantage de collaborations. Les gros acteurs de la pharma historiquement présents en Belgique comme Janssen, UCB, Pfizer ou GSK, ont contribué à façonner un écosystème favorable, notamment en travaillant avec le gouvernement à la mise en place d’incitations fiscales. Nous menons une politique d’attractivité très offensive et très ciblée vis-à-vis des entreprises étrangères. La qualité de notre écosystème, nos plateformes technologiques, un important vivier de main d’œuvre qualifiée et une réglementation plus souple et facilitatrice sur les essais cliniques, sont autant d’atouts que nous mettons en avant. Beaucoup d’entreprises arrivent en Wallonie grâce au rachat de sociétés locales, mais elles maintiennent ici leurs actifs, séduites par cet environnement propice !
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
