VIH : encore de nombreux défis thérapeutiques
A l’occasion de la tenue cette semaine de la 23e Conférence internationale sur le Sida (pour la première fois en virtuel), le Dr Laurent Finkielsztejn, responsable médical de ViiV Healthcare France, nous présente sa vision des enjeux de la prise en charge de l’infection au VIH en 2020.
Pharmaceutiques : Après plus de trois décennies de progrès thérapeutiques, quels sont les défis qui restent encore aujourd’hui à relever dans le traitement des patients infectés par le VIH ?
Dr Laurent Finkielsztejn : Dans la majorité des pays du Nord, le triple objectif de l’OMS « 90 % de patients dépistés, 90 % d’entre eux sous traitement, infection contrôlée chez 90 % des patients traités », est atteint. En revanche être porteur du VIH reste un lourd fardeau, notamment en termes de qualité de vie dégradée : l’améliorer est le 4e objectif à atteindre. Chez ViiV Healthcare, nous y œuvrons en élaborant par exemple de nouvelles associations de bithérapies, pour réduire les risques de toxicité à long terme, ou encore des traitements à action longue, injectables, permettant d’espacer les prises. Certaines populations particulièrement exposées ont des difficultés d’accès aux soins : il faut renforcer la prévention et ne laisser aucun patient sur le côté. La mise au point de formes galéniques adaptées aux patients pédiatriques, y compris les plus jeunes enfants, est essentielle, notamment dans les pays en développement. Enfin, chez environ 10 % des patients traités, on ne parvient pas à contrôler l’infection, notamment du fait de résistances : pour ces malades, il est crucial de poursuivre le développement de nouvelles molécules avec de nouveaux mécanismes d’actions. L’innovation doit permettre de « sauver » des patients avec un Sida déclaré.
Dr Laurent Finkielsztejn, responsable médical de ViiV Healthcare France : « Etre porteur du VIH reste un lourd fardeau, notamment en termes de qualité de vie dégradée. »
Parmi la vingtaine d’études que vous présenterez – en poster ou oralement – durant la Conférence internationale sur le Sida, lesquelles sont les plus représentatives de vos avancées récentes ?
L’un des évènements de la conférence sera à coup sûr la présentation les 8 et 9 juillet des résultats finaux de l’étude HPTN 083. Menée sur 4 600 participants dans diverses régions du monde, elle démontre l’efficacité d’une injection bimestrielle de cabotegravir en prophylaxie pré-exposition. C’est la première fois qu’on prouve qu’un médicament à action prolongée est capable de prévenir l’infection au moins aussi bien que le traitement PrEP oral quotidien. Autre étude importante, Customize montre la forte acceptabilité par les professionnels de santé d’un traitement (cabotegravir + rilpivirine) par injection mensuelle au lieu d’une thérapie orale quotidienne. Auparavant, personne ne s’était encore intéressé à la façon dont cette nouvelle modalité de traitement, encore en cours d’examen par les agences sanitaires américaine et européenne, serait mise en œuvre dans la vraie vie. Customize n’a été conduite qu’aux Etats-Unis, mais une étude similaire doit démarrer en septembre dans plusieurs pays européens, dont la France. Il s’agit d’évaluer les stratégies d’implémentation les plus efficaces à mettre en place, en tenant compte de l’organisation des soins.
La crise du Covid-19 a montré que les laboratoires pharmaceutiques étaient capables de s’allier pour répondre à un enjeu de santé publique mondial. Une telle coalition n’est-elle pas envisageable pour relever les derniers défis dans la prise en charge de l’infection au VIH ?
En tant que co-entreprise entre GSK, Pfizer et Shionogi, et avec l’intégration de la R&D de BMS dans le VIH, ViiV Healthcare constitue déjà une sorte de « synergie » de laboratoires. Contre le VIH, aucune entreprise ne peut gagner seule. Mais dans le champ de la recherche thérapeutique, une coalition n’est pas forcément nécessaire. Au contraire : grâce à l’émulation qui existe entre les branches de R&D des différents acteurs, jamais on n’a eu autant de molécules dans le pipeline que ces deux dernières années, alors qu’il y a cinq ans on pensait avoir atteint nos limites. Mais sur des enjeux complexes comme le « Cure », la rémission longue durée, des collaborations sont indispensables. Dès que plusieurs molécules à action longue seront disponibles sur le marché, des alliances verront le jour pour développer ensemble de nouvelles combinaisons. Et bien entendu, hors du champ de la R&D, des partenariats mondiaux sont nécessaires pour le financement et l’accès aux traitements des pays en développement.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki