HTID : les initiatives européennes se coordonnent
A l’occasion de leur troisième édition, les organisateurs des HealthTech Innovation Days dressent le constat d’un changement de perception des investisseurs vis-à-vis du secteur de la santé, et font le point sur deux initiatives européennes majeures : le Venture center of excellence et le panorama de la bioproduction européenne.
Plus de 1 600 rendez-vous programmés, la participation de dix clusters européens, la présence de la ministre déléguée en charge de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher, une intervention vidéo du président de la République d’Emmanuel Macron, une invitation au ministère de la Santé et un déjeuner à l’Elysée en compagnie d’investisseurs américains… Une belle reconnaissance pour les HealthTech Innovation Days (HTID), plateforme de rencontres entre entreprises de santé européennes, grands groupes et investisseurs, co-organisée par HealthTech For Care (fonds de dotation créé par l’association France Biotech) et EIT Health (Institut européen d’innovations et de technologies en santé), réseau européen de plus de 210 partenaires soutenus par la Commission européenne. « En trois ans, les HTID sont devenus un événement de référence en Europe », s’est félicitée Maryvonne Hiance, présidente de HealthTech For Care à l’occasion de la conférence de presse de lancement de la manifestation le 4 octobre à Paris.
Pour Cédric Moreau, associé chez Sofinnova Partners, cet évènement tombe d’autant plus à propos que « la crise sanitaire que nous traversons a changé la perception des investisseurs vis-à-vis du secteur de la santé, aujourd’hui considéré avec bienveillance. » Ce secteur est aussi devenu une priorité de premier plan de la Commission européenne. Dernière illustration en date : le lancement officiel le 15 septembre, à l’occasion du discours sur l’état de l’Union de la présidente de la Commission européenne Ursula Van der Leyen de la nouvelle Autorité européenne de préparation et de réaction aux urgences sanitaires HERA (1), avec un budget de 50 Mds€ d’ici 2027.
Lancement réussi pour le VCoE
Cette conjoncture explique certainement le succès du Venture Center of Excellence (VCoE), « plus important programme de co-investissement européen », rappelle Jean-Marc Bourez, directeur général d’EIT Health France et directeur du VCoE. Officiellement lancé l’an dernier à l’occasion de la 2e édition des HTID (2), ce programme vise à réunir auprès de fonds de capital-risque et de grandes entreprises une capacité de co-investissement de 2 Mds€ sur 15 ans, qui pourrait bénéficier à 200 PME « prometteuses » dans tous les champs de la santé.
A fin juillet 2021, huit capitaux-risqueurs sélectionnés s’étaient déjà engagés dans le programme (3), avec une capacité d’investissement totale de plus d’1,7 Md€. La Commission européenne avait déjà, dès son lancement annoncé une contribution de 150 M€ en tant qu’investisseur institutionnel. Un premier closing pourrait ainsi intervenir dès ce mois de décembre. Côté industriels, cinq ont déjà confirmé leur implication, dont deux, Alphabet (maison-mère de Google) et l’Institut Mérieux ont déjà signé les accords de participation. Et « une quinzaine d’autres ont exprimé leur intérêt », assure Jean-Marc Bourez.
Renforcer la mise en réseau et l’investissement en bioproduction
Autre prise de conscience attribuable au contexte Covid, celle de la nécessité de regagner une souveraineté sanitaire, qui passe notamment par une redynamisation de la bioproduction en Europe. Marc Dechamps, directeur des affaires internationales du cluster wallon BioWin et président du Conseil européen des biorégions (CEBR) a profité de la tenue des HTID pour dévoiler les premiers éléments du Panorama des écosystèmes de bioproduction en Europe (4). Cette « première vague » porte sur six pays ou grandes régions (Belgique, Pays-Bas, Espagne, Scandinavie, France et Allemagne). Premier constat, rassurant : « L’innovation existe, y compris dans la capacité d’améliorer les processus de production des produits biologiques, et elle est généralement bien supportée par les régions. Mais il faut aller plus loin », estime-t-il.
Plus préoccupante est la pénurie de talents : « Nous n’en produisons pas assez. Rien que pour répondre aux besoins en Wallonie, nous devrions recruter 2 500 personnes en trois ans ! Chaque région a mis en place son propre programme pour les attirer : nous proposons de mettre ces initiatives en réseau, pourquoi pas via une association européenne de développements de talents. » Troisième écueil et non des moindre : les difficultés pour les CDMO et CMO, qui accompagnent les PME biotech dans leur développement, de poursuivre leur croissance et de monter en capacité, faute de financement. Or les capitaux-risqueurs en santé privilégient le soutien au développement de médicaments sans se préoccuper assez de leurs capacités de production. Avis lancé aux investisseurs présents aux HTID…
Julie Wierzbicki
(1) Voir Pharmaceutiques n°289, septembre 2021 : « HERA : Quel rôle pour la nouvelle agence européenne ? »
(2) Voir Pharmaceutiques n°281, novembre 2020 : « Innovation financière : le VCoE au service des technologies de santé »
(3) 415 Capital (Allemagne), Andera Partners Biodiscovery 6 (France/Allemagne), Asabys Partner II (Espagne), EIR Venture (Suède), Jeito Fund (France), MTIP II (Suisse), Panakes II Fund Purple (Italie), Ysios Biofund III (Espagne)
(4) Initiative d’EIT-Health, le rapport a été co-réalisé avec EIT Manufacturing et coordonné par le CEBR, le rapport est consultable sur le site https://eitmanufacturing.eu/