Téléconsultation : une porte d’entrée dans le parcours de soins ?
Une étude menée par la plateforme de télémédecine Qare, en partenariat avec datacraft et Ekimetrics, analyse avec précision 300 000 téléconsultations réalisées en janvier 2019 et juillet 2020.
Quel est le profil des utilisateurs de la téléconsultation ? Et qui a profité en priorité de l’assouplissement du cadre règlementaire décidé en mars dernier en phase d’entrée dans la pandémie de Covid19 ? Au moment où les syndicats de professionnels de santé discutent, dans le cadre conventionnel, des nouvelles modalités de la télémédecine, il apparait essentiel de bien connaitre la structure de ” consommation” de cette nouvelle forme de recours aux soins. C’est dans ce but que la plateforme Qare, l’un des principaux leaders de la téléconsultation, a mené une enquête détaillée, auprès de 2050 praticiens, 180 150 patients, et sur la base de 300 000 téléconsultations. « Notre enquête porte sur une période large, de janvier 2019 à juillet 2020, précise le Dr Julie Salomon, directrice médicale adjointe de Qare. Il faut également tenir compte du fait qu’il ne nous a pas été possible de distinguer les profils de consommation avant et après l’arrivée de la pandémie. » En raison de l’explosion du nombre de téléconsultations à partir de mars, par rapport à la période précédente, la comparaison statistique n’aurait pas été pertinente. Par ailleurs, les données proviennent des téléconsultations opérées par Qare : or, l’entreprise a fait son entrée sur le marché dès janvier 2017, par le biais d’une convention avec l’ARS des Français de l’étranger. « Nous avons initié l’outil avec les Français installés hors de France, avant de pouvoir développer ce qui est notre coeur de métier, l’offre de soin pour les français du territoire national, ajoute Julie Salomon. Cet engagement, antérieur au cadre règlementaire posé en janvier 2019, explique la diversité de notre panel d’utilisateurs.»
Des utilisateurs jeunes, un besoin aigu de santé
Ces réserves étant posées, l’étude livre des résultats inédits et particulièrement intéressants. Pour la réaliser, Qare s’est appuyé sur l’expertise de deux partenaires : datacraft, une startup avec un modèle de Club qui permet un échange de bonnes pratiques entre experts de la donnée, et le leader européen en data science Ekimetrics. « Le premier enseignement, c’est que la téléconsultation est une solution principalement utilisée par une population jeune et plutôt urbaine, note Soline Aubry, lead du projet pour Ekimetrics. Les patients ont en moyenne 35 ans, contre 41 ans pour l’ensemble de la population française. Et 60% vivent dans l’une des dix plus grandes zones urbaines. » Le mode de consommation est également révélateur : le pic de téléconsultation se situe plutôt tôt, avant 10 heures du matin, et plutôt en début de semaine. « Cela traduit sans doute un besoin de prise en charge rapide, dès l’ouverture des cabinets, analyse Julie Salomon. Le phénomène était moins marqué durant la phase de confinement. » Quels médecins sont consultés en priorité ? D’abord des médecins généralistes, pour 63% des consultations. Les 37% de consultation chez les spécialistes s’effectuent en priorité les dermatologues, les pédiatres et les psychiatres, trois spécialités en forte tension démographique.
40% de fidélisation au médecin téléconsulté
Utilisée majoritairement pour des affections dites ”courantes” (cystite, rhume, gastro-entérite, état grippal…), la téléconsultation (chez Qare) est un outil, selon les auteurs de l’étude, pour offrir une réponse en urgence face à un besoin de santé aigu. Et il permet, « dans 99% des cas », d’éviter un déplacement inutile chez le médecin. « C’est une donnée importante, car elle laisse entendre que la téléconsultation pourrait permettre de désengorger les cabinets et de faciliter la prise en charge des soins non programmés », estime Julie Salomon. D’autres chiffres révélés par Ekimetrics montrent par ailleurs que si 86% des patients et des médecins ne se connaissaient pas au moment du premier rendez-vous, 40% des patients ont pris le second rendez-vous avec le même médecin. « La téléconsultation peut donc être l’occasion pour les patients d’entrer dans le parcours de soins » ajoute Isabelle Hilali, fondatrice et dirigeante de datacraft.
L’enjeu des soins chroniques
Première étape d’une étude au long cours, cette enquête sera prolongée, dans les mois à venir, par de nouveaux questionnements. Qui consulte quelles spécialités ? Comment se profilent les parcours de téléconsultation en fonction des typologies de territoires ? L’usage de la téléconsultation décolle-t-il dans les zones de faible densité géographique ? Et les seniors et les malades chroniques s’y engagent-ils ? Enfin, comment la pandémie modifie-t-elle les modalités de recours à la consultation à distance ? Les enjeux d’avenir de la télémédecine se profilent derrière ces questions : pour s’imposer définitivement dans les usages des patients et les pratiques des médecins, elle devra nécessairement contribuer à la fluidité des parcours de soins pour les malades chroniques.
Hervé Réquillart