Covid-19 : La stratégie vaccinale se précise
Lors du colloque de Pharmaceutiques du 17 décembre, les intervenants de la deuxième table-ronde ont présenté les éléments qui ont permis de mettre en place une stratégie vaccinale nationale, avec les premiers vaccins autorisés. Une stratégie amenée à évoluer au rythme des connaissances scientifiques et des doses disponibles.
« Au cours des derniers mois, nous avons travaillé à mieux connaitre le virus, l’épidémie, et à suivre les développements des vaccins, indiquait en préambule Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations (CTV) de la HAS. Nous avons ainsi proposé le 30 novembre une stratégie en cinq phases, qui devra être affinée avec le temps. » Elle concerne prioritairement les personnes les plus à risque (personnes âgées vivant en établissements) « puisque le nombre de doses est limité et que nous ne connaissons pas l’impact du vaccin sur la transmission de la maladie ». Quelques étapes sont indispensables avant le lancement de la campagne de vaccination : avis de l’EMA pour l’AMM conditionnelle du vaccin de Pfizer/BioNTech attendu pour le 21 décembre, feu vert de la commission européenne dans un délai maximum de trois jours, avis « quasi automatique » de l’ANSM, puis avis d’utilisation de la HAS « dans des délais assez courts ». En effet, « l’équipe travaille en concertation avec l’ANSM et l’EMA depuis quelques semaines, ce qui nous a déjà permis de préparer l’essentiel des recommandations que nous produirons », se félicite le professeur Bouvet. Les premiers Français devraient être vaccinés dès la fin décembre, moins d’un an après l’identification de la séquence ADN du virus. La première phase de la campagne devrait durer deux mois compte-tenu du nombre de structures d’accueil concernées, et des nécessaires deux doses à 21 jours d’intervalle. Le ministère de la Santé travaille sur la partie logistique, particulièrement complexe avec ce premier candidat puisqu’il ne peut être conservé que cinq jours entre sa décongélation et son utilisation.
Une nécessaire pédagogie
Jean-Pierre Thierry, conseiller médical au sein de France Assos Santé, se félicite que la démocratie sanitaire puisse jouer son rôle lors de la mise en place de cette stratégie vaccinale, notamment par la concertation citoyenne. Mais il s’inquiète encore de trois problématiques fortes qu’il faudra gérer. La première est celle de la transparence, notamment une meilleure connaissance des contrats d’achats groupés passés par la Commission européenne. La seconde est celle du consentement, puisqu’il sera nécessaire de demander l’avis de la famille à environ 50 % des résidents en Ehpad. La dernière est celle de la pharmacovigilance. Si 63 % des personnes de plus 65 ans, et 53 % des patients atteints de maladie chronique, se déclarent prêts à se faire vacciner selon le sondage de l’Institut Viavoice (1), un quart de la population générale s’oppose fermement à la vaccination et un quart hésite. Il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie et rassurer en indiquant qu’aucun compromis sur la qualité des études n’a été fait. La vitesse de développement s’appuie sur les connaissances antérieures des coronavirus, sur des technologies déjà évaluées dans d’autres maladies (y compris celle de l’ARNm), et sur des investissements massifs et risqués de tous (laboratoires publics, privés, et autorités).
Ce n’est que le début…
Si un premier vaccin est sur le point d’obtenir le feu vert de l’EMA, le chemin sera encore long pour vaincre cette épidémie. Pour Clarisse Lhoste, présidente de MSD France, plusieurs solutions seront nécessaires et les prochains vaccins auront toute leur place dans la stratégie. « Nous travaillons sur deux candidats, qui arriveront de façon plus tardive, mais qui devraient permettre d’atteindre une bonne immunité avec une seule dose et sans problématique de congélation », se félicite-t-elle. « Face à cette crise inédite, nous avons besoin de la recherche de tous les laboratoires pour fournir un maximum de solutions vaccinales ou thérapeutiques », complète Claire Roger, directrice de la BU Vaccins de GSK France. A ce titre, le groupe britannique développe une plateforme adjuvante, combinée avec la recherche d’autres laboratoires, notamment de Sanofi, ainsi que deux anticorps monoclonaux. Clarisse Lhoste tire quelques enseignements de cette crise : la capacité à travailler ensemble, le nécessaire investissement dans la recherche dans les maladies infectieuses, et l’agilité que cette épidémie confère, « nous permettant d’apprendre à être meilleur encore demain ». « Et elle sera peut-être l’occasion de sortir de cette défiance vaccinale à la française, en communiquant mieux sur la façon dont les vaccins fonctionnent et sur leur production », conclut Claire Roger.
Juliette Badina
(1) Sondage réalisé fin novembre pour France Assos Santé