Don d’organes : banaliser le dialogue
Le don d’organes est un impératif vital pour de nombreux patients en attente de greffe. Derrière les refus clairement exprimés, qui restent très largement minoritaires, les oppositions aux prélèvements procèdent le plus souvent de la méconnaissance des intentions du défunt.
En chute libre durant la phase aiguë de la pandémie, les prélèvements et les greffes d’organes sont repartis à la hausse depuis deux ans. Conformes aux objectifs du nouveau plan national, les résultats affichés pourraient cependant être améliorés, en libérant la parole et en clarifiant la position de chacun. Les enjeux de santé publique ne sont pas anodins. Rein, foie, cœur, poumon… Un millier de patients succombent tous les ans faute de transplantation. « La situation exige un débat éthique et sociétal pour augmenter les chances de survie des personnes inscrites sur les listes d’attente. La question n’est pas simple, mais elle doit être ouvertement abordée dans les familles et dans les écoles », explique Jean-Louis Touraine, ancien député du Rhône et président de l’association France Transplant. Autre voie de progrès identifiée : démystifier et stimuler les dons du vivant. Très peu nombreuses, ces greffes sont pourtant plus efficaces et plus durables, quand bien même les organes transplantés ne seraient pas génétiquement apparentés.
Faire savoir…
Globalement encourageant, le dernier bilan chiffré soulève néanmoins un paradoxe de taille : 80 % des Français se disent favorables au don d’organes et de tissus après leur décès, mais le taux d’opposition était de 33 % en 2022. « La méconnaissance des intentions réelles du défunt est la principale cause du non-prélèvement », affirme David Heard, directeur de la communication et des relations avec les publics de l’Agence de la biomédecine. Outre les actions menées dans le cadre de la journée nationale dédiée aux dons et aux donneurs, il évoque trois pistes concrètes pour lever les freins et briser les tabous : visibiliser le sujet dans les médias, banaliser le dialogue en famille et faire connaître sa décision. En première ligne, les équipes en charge de la coordination hospitalière des prélèvements et des greffes devront également accentuer leurs efforts pour gommer les disparités observées dans les territoires. « Certaines équipes spécialisées n’ont pas les compétences requises ni le temps nécessaire pour conduire ces entretiens complexes dans un moment aussi délicat. Il faut harmoniser les pratiques et les niveler par le haut », souligne Jan-Marc Charrel, président de France Rein. Une chose est sûre : les moyens des établissements de santé devront être renforcés.
… et savoir-faire !
Si chaque individu est présumé donneur, y compris en cas de mort cérébrale, le législateur impose deux obligations aux soignants avant tout prélèvement : consulter le registre national des refus et recueillir le consentement éclairé de la famille. « Les médecins référents et les infirmières coordinatrices qui assurent ces missions doivent être motivés, formés et évalués. Ils doivent chercher la non-opposition plutôt que l’approbation », relève Julien Rogier, médecin coordinateur du prélèvement d’organes et de tissus au sein du service de réanimation chirurgicale et traumatologique du CHU de Bordeaux et secrétaire général adjoint de la Société francophone de transplantation. Au-delà de leurs activités de recherche, certains laboratoires pharmaceutiques se mobilisent pour encourager et pérenniser les dons et les greffes, en assurant la disponibilité et en accompagnant le bon usage des traitements immunosuppresseurs. « Notre fine connaissance de cet écosystème nous permet également de faciliter les liens entre les différents acteurs et de sensibiliser le grand public par le biais de campagnes thématiques », précise Ghislaine Leleu, présidente d’Astellas France. Les experts sont catégoriques : les jeunes seront une cible privilégiée pour changer les mentalités.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la deuxième table du colloque sur la transplantation organisé par Pharmaceutiques le 27 septembre dernier.