Innovation contre le VIH : des traitements à la carte
Après les combinaisons à prise quotidienne unique, l’avenir des traitements contre le VIH est aux thérapies injectables à longue durée d’action. Avec la promesse d’une meilleure qualité de vie pour les patients, à condition d’agir également sur la stigmatisation dont sont encore trop souvent victimes les personnes infectées.
La première table ronde du colloque « Ensemble pour l’éradication du VIH », organisé le 29 mars par Pharmaceutiques, s’est ouverte sur le constat réjouissant de véritables avancées thérapeutiques dans la prise en charge des patients. Le Pr Jade Ghosn, infectiologue à l’Hôpital Bichat-Claude Bernard (AP-HP), pointe en particulier des combinaisons de traitements de plus en plus efficaces. « Non seulement la majorité des patients va devoir absorber au maximum un comprimé par jour, mais le nombre de molécules actives par comprimé diminue également, grâce aux bithérapies, avec pour corollaire des effets secondaires réduits », souligne-t-il. « Les nouvelles thérapies diminuent grandement les effets psychiatriques délétères, comme la dépression, ce qui améliore beaucoup la qualité de vie », confirme le Dr Martin Duracinsky, spécialiste en médecine générale à l’Hôpital Bicêtre (AP-HP).
Espacer les prises
« La volonté est vraiment d’aller vers une réduction du nombre de prises, afin d’alléger le quotidien des patients », explique Gabriel Martin, président de ViiV Healthcare France et Belgique. La tendance est aujourd’hui au développement de thérapies injectables à longue durée d’action, administrables tous les deux mois ou plus. Gabriel Martin évoque même l’objectif d’une administration annuelle unique. Un véritable gain de qualité de vie, selon le Pr Ghosn : « Cette approche diminue la stigmatisation, donne davantage de liberté aux patients, qui ne pensent plus à la maladie tous les jours… et ça n’est pas au détriment de l’efficacité contre la transmission. »
Ce message qu’un traitement efficace, en réduisant la charge virale à un niveau indétectable, supprime le risque de transmission du virus, est encore trop peu perçu dans la population générale, selon les intervenants de la table ronde. Or c’est cette perception erronée du risque réel de transmission qui contribue à maintenir cette stigmatisation extrêmement forte à l’égard des personnes infectées. Une stigmatisation qui freine aussi la motivation à se faire dépister, alors qu’un dépistage et donc une entrée en traitement précoce offrent davantage de chances de succès. Le Pr Ghosn évoque ainsi le cas des patients de la cohorte Visconti, dont certains, traités très rapidement après leur infection, ont connu une rémission fonctionnelle pendant plusieurs années après l’arrêt des thérapies. « On n’a pas encore compris pourquoi cela fonctionne chez certaines personnes et pas chez d’autres, les recherches sont en cours. »
Adapter le système de santé
Toutes ces nouvelles avancées thérapeutiques ne conviendront pas forcément à tous les patients, en fonction de l’état d’avancement de leur maladie ou des résistances aux traitements qui ont pu survenir antérieurement. « L’essentiel est que l’on puisse avoir toute une panoplie à notre disposition, pour proposer un traitement à la carte », insiste le Pr Ghosn. « Avec la simplification des prises, la charge mentale diminue, et c’est presque plus facile d’être malade maintenant qu’il y a trente ans, témoigne Eric Salat, séropositif depuis trente ans, patient expert et coordinateur enseignement à l’Université des Patients (Sorbonne Université). Mais pour les « vieux » malades, la problématique se porte davantage sur les comorbidités et les autres maladies liées à l’âge. Or le système de santé ne s’est pas du tout adapté à nos besoins ».
Même constat selon lui pour la prise en charge des nouveaux malades : « Les autorités poussent à sortir les patients des hôpitaux, alors que la prise en charge en ville est catastrophique ! », s’inquiète-t-il. La pandémie de Covid-19 a pourtant fait évoluer la relation médecin-patient, note le Dr Duracinsky : « La crise sanitaire nous a apporté à nous, médecins, un regard innovant sur comment prendre en charge nos patients : nous avons appris à travailler avec des modalités différentes, comme la télémédecine ».
Julie Wierzbicki