Santé bucco-dentaire : petits maux, grandes conséquences
La préservation de la santé dentaire est primordiale pour une bonne santé globale. C’est le message principal de la webconférence organisée par Pharmaceutiques, avec le soutien d’Haleon, le 20 mars dernier. L’urgence est à l’amélioration des soins dentaires, en particulier pour les populations vulnérables et/ou âgées, ainsi que la promotion du dépistage précoce, de la prévention au quotidien et d’une hygiène régulière tout au long de la vie.
La prévention des maladies dentaires dès l’enfance est cruciale pour éviter l’accumulation de caries, qui peuvent entraîner des infections et endommager le tissu de soutien des dents. Selon Michel Bartala, docteur en chirurgie dentaire et maître de conférences des universités au CHU de Bordeaux, les maladies parodontales sont liées à diverses infections à distance, notamment cardiaques et pulmonaires (pneumopathies) ainsi que des pathologies chroniques telles que l’asthme, l’obésité et le diabète. « Le traitement des maladies parodontales peut améliorer l’état de santé global, notamment réguler la glycémie chez les personnes atteintes de diabète » note-t-il. Ces problèmes sont souvent exacerbés chez les personnes âgées, selon Marjolaine Gosset, spécialisée en odontologie à l’université Paris Cité AP-HP, qui voit en fin de parcours ces patients dépendants et en perte d’autonomie. « L’accumulation de bactéries et de tartre dans la bouche crée un état inflammatoire chronique et expose ces patients vulnérables à un risque accru d’infections, pouvant déclencher une réaction de complications en chaîne, » indique-t-elle.
Accès difficile aux soins
Malgré les progrès des deux dernières décennies, les petits maux dentaires sont souvent négligés dans les parcours de soins et mal pris en charge aux stades évolués. « La santé bucco-dentaire n’est pas une priorité et les médecins généralistes, pilotes du parcours de soins, ne réorientent que rarement leurs patients vers un chirurgien-dentiste » pointe Catherine Simonin, administratrice de France Assoc Santé. La pénurie de professionnels de santé rend également l’accès aux soins difficile. « Le délai moyen d’attente pour une consultation chez un chirurgien-dentiste est de 28 jours, » rappelle Valérie Michaud, responsable affaires médicales France chez Haleon, leader mondial de la santé grand public. De plus, le manque d’intérêt pour la spécialisation d’odontologie gériatrique limite les capacités d’accueil dans les soins spécialisés, selon Marjolaine Gosset. En outre, le coût élevé des soins dentaires a un effet rédhibitoire sur certains patients, conduisant à des renoncements aux soins. C’est notamment les cas pour les 4% de la population française sans complémentaire santé, comme le rappelle Catherine Simonin. « Certains soins de support ne sont pas entièrement pris en charge dans le cadre des affections longue durée (ALD) », complète-t-elle.
Cap sur la prévention et une prise en charge globale de la santé
France Assoc Santé souligne l’importance de la prévention dès l’enfance (1000 premiers jours, …) avec le dépistage et les consultations régulières tout au long de la vie, ainsi qu’un soutien approprié aux personnes âgées, pour améliorer la santé bucco-dentaire et réduire le risque de complications liées aux maladies parentales. Haleon a pour mission « de rendre la santé quotidienne accessible à tous, et en particulier aux personnes vulnérables » souligne note Valérie Michaud, qui insiste sur l’intérêt du brossage et d’utiliser les bons produits, sans oublier la consultation annuelle chez son dentiste. Le laboratoire participe à la diffusion de bonnes pratiques via des supports didactiques et visuels destinés aux dentistes, aux référents en établissements et au grand public. Elle évoque un axe d’amélioration : former et sensibiliser davantage les médecins généralistes à l’hygiène et aux soins dentaires, mais aussi le personnel soignant au sein des EHPAD et des centres médico-sociaux. « Nous travaillons avec les établissements adhérents du SYNERPA dans ce sens, indique Benoît Perier, président de l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD). Cela passe notamment par des programmes d’accompagnement auprès des aidants professionnels et des dispositifs de télésurveillance pour réaliser des bilans de santé orale. « L’idéal serait d’équiper les cabinets dentaires pour accueillir les personnes en mobilité réduite avec un soutien potentiel des départements ou des ARS, » indique Eric Kariger, président de la commission de soins du SYNERPA, qui défend également la présence de ces praticiens dentistes dans les dispositifs de coordination tels que les CPTS pour renforcer les liens professionnels et l’organisation des soins.
Expérimentation intéressante
Une initiative originale relevant de l’Article 51 est le Breizh Bucco Bus, un cabinet dentaire itinérant, mis en place par la fondation ILDYS, fonctionnant avec deux praticiens salariés et une assistante avec son permis poids-lourd ! Depuis deux ans, ce bus parcourt les établissements médico-sociaux du Finistère, pour offrir des services de prévention, détection des besoins, d’orientation des soins appropriés, et même la réalisation des soins dentaires, y compris l’adaptation des prothèses. « Cette initiative a permis de former 220 référents bucco-dentaires dans 65 établissements médico-sociaux , mettant l’accent sur la coordination avec les partenaires de santé locaux et sensibilisant à l’importance de la santé bucco-dentaire » note Michel Morgan, directeur général délégué au parcours de vie et de santé d’ILDYS, qui avance plusieurs conditions de succès pour étendre cette initiative à d’autres régions, notamment l’engagement des établissements partenaires, l’interopérabilité avec les systèmes d’information existants, et le financement des actes dérogatoires pour les consultations et la télémédecine.
Un nouveau plan pour la santé bucco-dentaire ?
Dans une perspective de santé holistique axée sur la prévention, il est temps de promouvoir un nouveau plan santé bucco-dentaire, le dernier datant de 2005, selon Eric Kariger. Objectif : déployer une stratégie spécifique de prise en charge des pathologies bucco-dentaires, tant dans les établissements que chez les patients à domicile. Le moment est propice, étant donné l’urgence de la transition démographique, et l’adoption récente de la proposition de loi « Bien vieillir ». Avec plusieurs mesures significatives mises en avant par Laurence Cristol, député Renaissance de l’Hérault et rapporteur de la proposition de loi : la création d’une conférence nationale de l’autonomie pour structurer les politiques et soutenir la prévention, un guichet unique pour les prestations sociales destinées aux personnes âgées (avec l’Hérault comme département pilote), la lutte contre la maltraitance avec la création d’une cellule de signalement unique, ou encore la promotion de l’habitat inclusif, notamment les résidences autonomie, présentées comme une alternative possible entre le domicile et l’EHPAD.
Marion Baschet-Vernet