Vaccination : à la conquête de la confiance
Extrêmement méfiants vis-à-vis des autorités politiques comme sanitaires, les Français semblent peu motivés à se faire vacciner contre le covid-19. Comment regagner la confiance ? Comment obtenir l’adhésion de la population ? Tel était le thème de la troisième table-ronde du colloque Pharmaceutiques du 17 décembre.
Alors que le vaccin contre le covid-19 était attendu avec beaucoup d’espoir et d’impatience, sa mise à disposition prochaine en France s’accompagne d’une forte réticence de la population à y avoir recours. En cause, une défiance grandissante vis-à-vis des autorités. « Il y a une corrélation extrêmement forte entre le fait de se faire vacciner et la confiance dans les institutions politiques », observe Antoine Bristielle,professeur agrégé de sciences sociales et chercheur à Sciences-Po Grenoble. Phénomène nouveau, la confiance dans les autorités scientifiques marque elle aussi le pas, passant de 90% au début de l’épidémie à 70% aujourd’hui. « Cette baisse inquiétante de 20 points est liée au brouhaha médiatique autour de la parole scientifique. Cela a donné l’impression que c’était une parole comme une autre, que l’on ne pouvait se fier à personne, qu’il n’y avait pas forcément de vérité et que chacun pouvait avoir une opinion », analyse Antoine Bristielle. « La position d’expert est difficile à tenir. Depuis l’accès à internet et aux réseaux sociaux, il y a la pensée que toutes informations se valent », confirme le Dr Françoise Salvadori, docteur en virologie-immunologie et maître de conférences à l’Université de Bourgogne.
Convaincre les indécis…
Les opposants à la vaccination (les « antivax ») demeurent une minorité, tandis que 50 à 60% des Français sont simplement hésitants, s’interrogeant sur l’innocuité et l’efficacité de produits tout nouveaux. Pour les informer et les convaincre, la Fondation Jean Jaurès, dont Antoine Bristielle est expert associé, a émis six recommandations. Elle suggère de mettre en avant les avantages de la vaccination, en premier lieu la possibilité de profiter à nouveau d’une vie sociale. En limitant le nombre de contaminations, la vaccination apporterait aussi « un bénéfice populationnel indirect : décharger les hôpitaux et accueillir des patients qui attendent des soins depuis des mois », signale Françoise Salvadori. La communication ne doit toutefois pas faire l’impasse sur les risques associés. « Il y a une exigence de transparence, notamment sur les effets secondaires qu’il ne faut surtout pas cacher. Il ne faut pas être trop présomptueux sur ce que l’on sait », reprend Antoine Bristielle. « La science est en train de se faire. Le temps scientifique n’est pas le temps médiatique ni le temps de l’information », concède Françoise Salvadori.
… dont les professionnels de santé
Les connaissances déjà acquises, complexes, foisonnantes, ne peuvent être transmises telles quelles et doit être adaptées aux différents publics. « Il faut trouver plusieurs niveaux de traduction, à destination des professionnels de santé, et à destination du grand public », prône Françoise Salvadori. Au vu de la défiance de la population générale vis-à-vis des institutions, la campagne devra s’appuyer sur les médecins, pharmaciens et infirmiers. Mais les professionnels de proximité restent également à persuader. Pour ce faire, la Fondation Jean Jaurès invite les membres du gouvernement à se faire vacciner dans les premiers, « une thématique qui ressort sur les réseaux sociaux. Enfin, souligne Antoine Bristielle, « il faut commencer la campagne de communication le plus tôt possible pour préparer l’opinion publique ». Une opinion publique qui a été largement échaudée par la gestion de la crise sanitaire et qu’il ne sera pas facile de rallier à la cause.
Muriel Pulicani