Afrique: une gestion exemplaire de la pandémie
L’Afrique a déjoué les prédictions catastrophistes quant à l’impact du covid-19 grâce à la mise en place précoce et coordonnée de mesures souvent innovantes, selon une « rencontre virtuelle » du Leem.
« L’Afrique a su tirer son épingle du jeu et s’en sort mieux que d’autres continents », a observé Philippe Lamoureux, directeur général du Leem, lors d’une rencontre virtuelle, le 18 juin. A la fin du mois, plus de 10 millions de cas, dont 500.000 décès, étaient recensés au niveau mondial, dont 300.000 contaminations (3%) et 8.700 décès (1,7%) sur le continent africain. « La situation est très hétérogène: 84% des nouveaux cas se concentrent dans seulement huit pays et 80% des décès dans cinq pays », précise Matshidiso Rebecca Moeti, directrice générale de l’OMS pour l’Afrique. « On a évoqué beaucoup d’explications ‘structurelles’, comme la jeunesse de la population, le climat, etc. Mais il faut bien admettre que l’Europe a beaucoup de leçons à tirer de la maîtrise de la pandémie par les autorités africaines », poursuit Philippe Lamoureux.
En premier lieu, le continent a l’expérience des crises de santé publique majeures. « Les infrastructures et matériels mis en service dans le cadre d’épidémies comme Ebola ou la poliomyélite ont pu être réutilisés, notamment les systèmes de surveillance épidémiologiques », relate le Dr Moeti. Autre élément important: la coopération entre pays. « Les gouvernements et organisations ont, dès le début, fait preuve d’un fort engagement politique national et international, comme la création d’un comité « task force » multi-sectoriel pour coordonner leurs actions. »
Capacité d’innovation
Troisième atout: « la capacité d’adaptation et d’innovation inhérente à la culture africaine par rapport à nos sociétés figées », souligne Philippe Lamoureux. « L’Afrique est le continent ayant dû le plus innover, car nous devons faire avec les moyens du bord », confirme Jacqueline Mikolo, ministre de la Santé et de la Population du Congo Brazzaville. Qui liste, parmi les actions mises en œuvre par son pays, un « plan de riposte » doté de 22 milliards de francs CFA (33 millions d’€), la « création du Centre des opérations d’urgence de santé publique du Congo » ou encore la « mise à niveau du Laboratoire national de santé publique pour accompagner le dépistage de masse ». Les mesures ont été lancées rapidement: formation des soignants, prise en charge adaptée des malades, centralisation des achats de médicaments, création d’une plateforme d’essais cliniques, et comme ailleurs, confinement et distanciation physique. L’information des populations a constitué un pan important de l’action publique. « De nombreuses personnalités (artistes, élus, leaders religieux…) se sont mobilisées autour du gouvernement. Divers canaux ont été utilisés, des réseaux sociaux jusqu’aux camions publicitaires diffusant des messages traduits dans toutes les langues et dialectes », détaille Jacqueline Mikolo. Cependant, la distanciation « est difficile à suivre dans des économies où le secteur informel est prépondérant: l’impact économique est vite devenu plus important que l’impact sanitaire », pointe le Dr Moeti, qui note en parallèle une « diminution de l’accès à la vaccination des enfants, la contraception, les services d’accouchement… » Et appelle au « maintien de ces services de santé essentiels ».
Muriel Pulicani