Convention pharmaceutique : une ambition inédite !
Signée début mars, la nouvelle convention pharmaceutique renforce les missions du pharmacien d’officine dans le champ de la santé publique. Le texte comporte des mesures concrètes visant à améliorer la prévention, l’accès aux soins et le bon usage des médicaments.
Le contenu témoigne d’une ambition inédite, validée par l’expérience de la pandémie. Signée début mars par les deux syndicats professionnels, l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire, la nouvelle convention pharmaceutique renforce les missions du pharmacien dans le champ de la santé publique. Le texte contient des mesures concrètes visant à améliorer la prévention, l’accès aux soins, le bon usage des produits de santé, mais aussi la diffusion de certains services numériques et l’empreinte écologique des officines. Toutes dispositions confondues, cet accord conventionnel représente un investissement de 127 millions d’euros qui se traduira sous la forme d’honoraires ou d’incitations financières. Un point d’étape est programmé au second semestre 2023. Il permettra notamment d’évaluer les impacts de cette réforme sur l’économie officinale.
Un acteur de la prévention médicalisée
Mesure emblématique de la nouvelle convention pharmaceutique, les pharmaciens pourront prescrire et administrer tous les vaccins existants aux plus de 16 ans*. Selon la Cnam, cette « décision pragmatique » contribuera à augmenter la couverture vaccinale grâce à la multiplication des effecteurs. Leur périmètre d’intervention ne se réduira pas à la seule vaccination. Ils pourront participer au dépistage du cancer colorectal pour « maximiser les performances et diminuer les pertes de chance ». Dans le même esprit, ils faciliteront la détection précoce et la prise en charge des cystites simples. Une avancée majeure susceptible de « fluidifier les parcours des patientes, limiter les examens inutiles et lutter contre l’antibiorésistance ». Autre nouveauté : les pharmaciens pourront proposer des « accompagnements courts » à certaines populations cibles. Ils relayeront des messages clefs au comptoir, complétés par des documents informatifs remis en main propre ou transmis par courrier électronique. Les femmes enceintes seront le premier public visé. Un accent particulier sera porté sur la prise de médicaments pendant la grossesse.
Un pilier de l’accès aux soins
A la faveur d’un maillage territorial cohérent, l’assurance maladie mise sur les pharmaciens pour densifier l’accès aux soins et atténuer les ruptures dans les parcours de santé, notamment entre la ville et l’hôpital. Pour pallier la pénurie de médecins, leurs prérogatives seront élargies dans les zones sous-dotées. Ils pourront renouveler des traitements chroniques et ajuster des posologies avec le statut de pharmacien correspondant. Ils pourront également assurer des « livraisons à domicile » dans le cadre du dispositif PRADO. Outre la diffusion d’une information « exhaustive, gratuite et accessible » sur les pharmacies de garde**, la téléconsultation assistée en officine sera confortée et revalorisée. Alimentation du DMP, recours aux logiciels d’aide à la dispensation certifiés, utilisation de la messagerie sécurisée MSSanté, déploiement de l’application carte Vitale, bascule vers la e-prescription… Certains usages digitaux seront désormais rémunérés pour « enrichir l’espace numérique de santé, sécuriser les données personnelles et stimuler la coopération interprofessionnelle ».
Un garant du bon usage
Cette nouvelle rémunération sur objectifs de santé publique en appelle une autre, centrée sur la juste dispensation. Loin de se cantonner à la substitution des génériques et des biosimilaires, la Cnam veut promouvoir la qualité de la pratique pharmaceutique – y compris en matière de facturation – en valorisant financièrement l’adhésion à la démarche initiée et portée par le CNOP. Plus concrètement, les pharmaciens d’officine seront notamment chargés de contrôler l’authenticité des prescriptions de médicaments onéreux pour « lutter contre les fraudes et les trafics organisés ». Grande première, cet accord conventionnel comporte un volet écologique. Parmi d’autres implications, les officines devront monter des programmes de développement durable pour minimiser leur impact environnemental, non sans mener des actions de sensibilisation auprès de leurs patients. Elles devront surtout privilégier la dispensation des médicaments à l’unité pour réduire le gaspillage et la production de déchets dangereux ou toxiques***. Inédits et ambitieux, les cinq grands axes de cette convention marquent un véritable tournant dans l’histoire de la profession.
Jonathan Icart
(*) A l’exception des vaccins contre la rage et le méningocoque B.
(**) Ces informations seront recensées – avant la fin de l’année – sur le site www.ameli.fr.
(***) La convention pharmaceutique acte la généralisation de l’expérimentation sur la dispensation des antibiotiques à l’unité. La rémunération prévue, soit un euro par délivrance dans la limite de cinq cents euros par an, a été élargie aux médicaments stupéfiants.