Covid-19 : des restrictions et des moyens face aux variants
La réunion du Conseil européen du jeudi 25 février a débuté sur un aperçu de la situation épidémiologique sur le continent. Son président, Charles Michel, évoque « une situation encore préoccupante dans de nombreuses régions », notamment à cause de la propagation des variants. Des actions ciblées et concertées doivent être mises en place.
Le variant britannique B.1.1.7 du SARS-CoV-2 est désormais présent dans la quasi-totalité des États membres de l’UE, la souche sud-africaine dans 14 et le variant brésilien dans sept. Afin de détecter les variants le plus tôt et le plus vite possible, la Commission européenne a lancé mi-février l’incubateur HERA (Health Emergency Response Authority), du nom de la future agence européenne inspirée de la BARDA* américaine. Les dirigeants des Etats membres ont confirmé lors du Conseil européen du jeudi 25 février leur soutien à cet incubateur. La Commission alloue 200 M€ afin de permettre aux gouvernements de conclure des contrats de séquençage, avec un objectif d’au moins 5 % des tests PCR séquencés. Par ailleurs, « nous devrons déployer tous les efforts possibles pour que le rythme de la vaccination s’accélère », a indiqué la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen (en photo). À fin février, plus de 50 millions de doses de vaccins auront été livrées à l’UE, et 600 millions seront livrées d’ici fin juin en incluant le vaccin de Janssen (dont l’AMM est attendue pour mars). Plus de 29 millions de doses ont été administrées à ce jour, couvrant 6,4 % de l’ensemble de la population. La Commission travaille avec les industriels pour accroître le rythme de production et éliminer les goulets d’étranglement dans l’approvisionnement. De nouvelles installations de production sont disponibles à l’exemple de celles de BioNTech en Autriche et en Allemagne. Actuellement, 41 sites contribuent à la production en Europe. « Nous encourageons vivement la coopération entre les acteurs industriels », ajoute la présidente. « Nous avons les moyens de faire en sorte que l’UE joue un rôle-clé pour sortir de cette crise dans les prochains mois », a jugé Charles Michel (en photo), président du Conseil européen, dans un message d’optimisme.
De nouvelles procédures règlementaires
Le 25 février, les députés des commissions de la santé publique (ENVI) et de l’industrie (ITRE), et les commissaires Thierry Breton et Stella Kyriakides, ont également débattu avec l’industrie pharmaceutique de la manière d’augmenter ces capacités. Pascal Soriot, pdg d’AstraZeneca, a ainsi affiché sa déception d’avoir fourni moins de doses que prévu et sa volonté d’accroître ses capacités de production. « Nous comblerons les manques », a-t-il assuré. Franz-Werner Haas, pdg de CureVac, dont le vaccin ARNm n’est pas encore approuvé, indique avoir mis en place une collaboration pan-européenne avec une quinzaine de partenaires pour la production d’ARNm, sa formulation, l’emballage, l’étiquetage et le transport.
Mais la recherche doit déjà s’adapter aux mutations du virus. Pfizer et BioNTech ont annoncé ce 25 février le lancement d’une phase I afin d’évaluer l’utilité d’une troisième dose de leur vaccin pour contrer les variants. Stéphane Bancel, pdg de Moderna, a indiqué avoir transmis au NIH le matériel pour les recherches cliniques contre le variant sud-africain. La Commission européenne a annoncé la création d’un réseau de centres cliniques à l’échelle de l’UE pour les tester. Le même jour, le comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA rendait public un document de réflexion détaillant les données exigées pour autoriser ces futurs vaccins. Le comité estime que des données d’innocuité et d’efficacité à grande échelle ne sont pas nécessaires et que l’efficacité du vaccin « variant » devra être démontrée dans des études d’immunogénicité avec au moins un essai mené chez des sujets naïfs.
Afin d’accélérer l’approbation des vaccins modifiés, la Commission européenne envisage la mise en place d’une AMM européenne « temporaire », ou « d’urgence », où la responsabilité juridique et financière de la mise à disposition serait partagée par l’ensemble des Etats membres européens.
Vers un passeport vaccinal
Les discussions du Conseil européen ont également porté sur les certificats vaccinaux. S’il reste des interrogations scientifiques, les données en provenance d’Israël sont rassurantes sur le risque de transmission du virus par les personnes vaccinées. D’un point de vue politique, il incombera à chaque pays de décider ce qu’il sera possible de faire avec un tel certificat vaccinal. « Alors que les Vingt-Sept s’étaient initialement promis de n’adopter que des mesures « proportionnées », une différence d’évaluation persiste entre les différents Etats, constatait David Sassoli, président du Parlement européen, ce même jour en conférence de presse. Le passeport vaccinal sera un instrument qui permettra une reprise de l’activité économique, et de la libre circulation, en bon ordre, et sans discrimination ». La Commission européenne propose de coordonner les travaux de normalisation et de créer une passerelle qui reliera les différentes solutions nationales. Les États membres devront procéder rapidement à la mise en œuvre et au déploiement de leur solution afin qu’un tel « certificat vert » soit mis en place d’ici à l’été.
Juliette Badina
* Biomedical Advanced Research and Development- BARDA