La HAS promeut l’engagement patient
Elle vient de mettre en ligne une recommandation, en faveur de « l’engagement patient ». Ce nouveau concept vise à reconnaitre et valoriser les démarches qui favorisent un partenariat équilibré entre patients et soignants.
En plus de vingt ans, la place des patients n’a cessé de se renforcer dans le système de santé. Depuis la loi du 4 mars 2002, qui posait pour la première fois la notion de « droit des patients », la démarche militante s’est structurée autour des associations représentatives, dont la constitution de France Assos Santé, en 2017, est l’une des incarnations institutionnelles. Parallèlement à ce mouvement de « démocratie sanitaire », une autre tendance s’est développée : la promotion du patient en tant que « partenaire » des professionnels dans la prise en charge de sa santé. Alliance thérapeutique, adhésion au traitement, gestion du capital santé, éducation thérapeutique… de nouveaux concepts sont apparus. Et les études se sont multipliées pour démontrer les bénéfices de cette participation en termes de résultats sanitaires.
La santé, une affaire de citoyens
En publiant sa recommandation intitulée « Encourager l’engagement des personnes soignées ou accompagnées », la Haute Autorité de santé souhaite franchir un nouveau cap. « Nous le disons régulièrement à la HAS, la santé ne doit pas être seulement l’affaire des sachants, mais elle doit s’ouvrir aux citoyens, explique Christian Saout, membre du Collège de la HAS. Il faut aller plus loin que ce qui a été fait jusqu’à présent : la démocratie en santé ne peut pas être réservée à ceux qui, même de façon exemplaire, se sont organisés en forme associative. » En préambule, la recommandation propose une définition de « l’engagement patient » adaptée au contexte français. L’engagement patient se définit ainsi comme « toute forme d’action, individuelle ou collective, qui est menée au bénéfice de la santé, du bien-être ou de la qualité de vie des personnes elles-mêmes ou de leurs pairs. » Plus concrètement, il s’agit donc de reconnaitre et de valoriser les actions et les facilitations qui visent à prendre en compte l’expérience, les besoins et les préférences des personnes concernées pour améliorer le service rendu à la personne.
Viser le partenariat
A vocation opérationnelle, le document de la HAS s’appuie sur diverses initiatives observées sur le terrain : 150 d’entre elles ont pu être documentées, dans des domaines comme les témoignages d’expérience, les groupes de parole, les lieux d’accompagnement par les pairs, les co-constructions de solutions numériques dans les « living-labs », les programmes d’éducation thérapeutique… Un travail de recensement qui démontre l’implication de patients et de leur entourage, mais également les difficultés qu’ils peuvent rencontrer : temps disponible, incompréhension des professionnels, manque de reconnaissance, faiblesse des moyens mis à disposition… « Avec cette recommandation, nous souhaitons affirmer que l’engagement doit être envisagé comme un partenariat, précise Christian Saout. Il faut éviter la « participation-alibi », en instaurant une relation fondée sur la confiance mutuelle, la transparence, le respect mutuel, le non-jugement et la clarification de la répartition des pouvoirs et des responsabilités. » Afin de pouvoir qualifier la valeur de l’engagement, la HAS propose une échelle d’intensité : le niveau 1 se limite à l’information du patient, le niveau 2 a trait à la consultation (le patient est sollicité pour donner son avis), le niveau 3 relève de la collaboration (un niveau élevé de l’engagement dans la mesure où la personne contribue activement aux décisions ou aux actions entreprises), enfin le niveau 4 est celui du partenariat. Dans cette version, la plus aboutie en termes d’engagement, la personne soignée ou accompagnée travaille en binôme avec le professionnel ou l’équipe de soins.
Les réserves de France Assos Santé
Fait marquant dans ces travaux, la HAS insiste sur la nécessité de déployer la démarche d’engagement dans un champ large, incluant l’univers du soin mais également les champs du social et du médico-social. Surtout, l’institution propose de reconnaitre l’engagement des personnes, « y compris quand elles se désignent auto-représentantes ». Une petite phrase qui a fait bondir France Assos Santé. Dans une réaction intitulée « La HAS veut-elle la mort de la loi Kouchner ? », la fédération d’associations s’interroge : « n’est-ce pas là la porte ouverte à de possibles instrumentalisations par tous les lobbies qui avancent souvent masqués ? » France Assos Santé critique notamment le terme « autodésignation », considérant qu’il s’agit « d’un dévoiement du terme d’autoreprésentation ». Et elle considère que « la HAS ne saurait entretenir la confusion en prenant le risque d’affaiblir, dans ses fondements mêmes, la démocratie en santé, alors même que la loi est limpide : « seules les associations agréées représentent les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique. » Un point de vue qui ne fait pas pour autant l’unanimité, comme en témoignent des réactions de patients sur les réseaux sociaux.
Hervé Réquillart