Sérologie : quel usage contre l’épidémie ?
Les tests sérologiques quantitatifs permettent de mesurer le taux d’anticorps acquis après infection ou vaccination. Un nouveau paramètre qui appelle à s’interroger sur leur usage en matière de contrôle de l’épidémie.
Les tests sérologiques sont-ils appelés à jouer un rôle accru dans la lutte contre la pandémie ? Depuis le printemps 2020, la place exacte de ces outils de dépistage reste encore à consolider. La première génération de tests permettait en effet de détecter la présence d’anticorps dans l’organisme, indiquant si la personne testée avait été infectée, mais sans préciser une éventuelle protection contre le SARS-CoV2, pas plus que sa contagiosité. Dès lors, le premier avis de la Haute autorité de santé, publiée le 14 mai 2020, proposait de limiter le remboursement de ces tests sérologiques « aux enquêtes séro-épidémiologiques » dans le cadre de la surveillance épidémiologique. Elle y ajoutait néanmoins cinq indications destinées à réaliser des « diagnostics de rattrapage » ou des diagnostics initiaux à confirmer à défaut de test RT-PCR positif : patients symptomatiques graves hospitalisés, si tableau clinique ou scanographique évocateur et RT-PCR négative ; patients symptomatiques graves hospitalisés mais n’ayant pas été en mesure de réaliser un test RT-PCR avant sept jours ; patients symptomatiques sans signe de gravité suivis en ville si tableau clinique évocateur et test RT-PCR négatif ; patients symptomatiques avec suspicion clinique sans signe de gravité mais n’ayant pas été en mesure de réaliser un test RT-PCR avant sept jours ; patients symptomatiques sans signe de gravité diagnostiqués cliniquement mais n’ayant pas effectué de test RT-PCR. Deux autres indications concernent par ailleurs les professionnels : soignants non symptomatiques lors de dépistage et détection de personnes-contacts après test RT-PCR négatif, personnels d’hébergement collectif non symptomatiques lors de dépistage et détection de personnes-contacts après test RT-PCR négatif.
Des tests quantitatifs plus précis sur l’immunité acquise
Depuis le début de l’année, l’arrivée d’une nouvelle génération de tests sérologiques interroge sur la stratégie de suivi de l’épidémie. Ils ont en effet la capacité de détecter la présence des anticorps, mais également de la quantifier. Deux catégories de tests sont déjà sur le marché. Les tests sérologiques anti-N ciblent la protéine nucléoplacide, contribuant au diagnostic d’une infection naturelle. Les tests anti-S, pour leur part, ciblent la protéine Spike, la plus impliquée dans la transmission du virus et qui est visée par les vaccins disponibles. En plus d’indiquer l’éventualité d’une infection (la ”sérologie maladie”), ils permettent également d’évaluer le taux de réponse à la vaccination (la « sérologie vaccination »). « Ce nouvel outil clinique permet donc de mesurer chez un individu l’intensité de la réponse immunitaire observée lors d’une infection par le SARS-CoV2, mais également après la vaccination contre la COVID 19 », précise Michel Sala, directeur médical de Cerballiance, filiale du groupe de biologie Cerba HealthCare. A l’heure où la campagne de vaccination s’accélère, le recours à ces tests pourrait être utile pour mieux comprendre l’immunité acquise grâce au vaccin. « A l’heure actuelle, la communauté scientifique n’est pas encore en mesure d’établir quel est le taux d’anticorps protecteur, tempère Michel Sala. Mais les tests quantitatifs peuvent aider à améliorer l’approche clinique et médicale de la pandémie et à mieux évaluer la réponse immunitaire aux vaccins selon les profils de population. »
Des indications pour les personnes immuno-déprimées
Au vu de ce progrès technologique, les autorités sanitaires réfléchissent donc à l’opportunité d’étendre les indications de la sérologie. La Haute Autorité de Santé travaille à l’actualisation de ses recommandations, tandis que le Conseil d’Orientation de la Stratégie Vaccinale, publiait, le 6 avril, un avis consacré à l’élargissement des priorités d’accès à la vaccination. Il y recommandait notamment « la prescription d’une sérologie quantitative de type anti-S trente jours après la deuxième et la troisième dose » pour les patients sévèrement immuno-déprimés, ainsi que son remboursement par l’assurance-maladie. Un complément diagnostique jugé nécessaire pour mesurer la réponse post-vaccination, alors que cette catégorie de patients semble peu répondante au schéma vaccinal initial. C’est notamment le cas pour les patients dialysés et greffés rénaux, comme le souligne Yvanie Caillé, fondatrice de l’association Renaloo. « Les études sur leur réponse insuffisante à la vaccination, mais aussi les cas documentés de patients totalement vaccinés qui développent des formes graves de la Covid-19, se multiplient. C’est d’autant plus critique qu’ils font partie des populations les plus vulnérables, avec des taux de décès en cas de contamination sensiblement supérieurs à ceux des résidents d’EHPAD qui sont pourtant bien plus âgés… » L’association s’est mobilisée avec succès pour obtenir une 3eme dose de vaccin pour ces patients. « Dans ce contexte, on voit que le test sérologique a un intérêt, y compris au plan individuel, poursuit Yvanie Caillé. Ne pas avoir d’anticorps, ou en avoir un taux faible, après deux ou trois doses, est un indicateur fort de la nécessité de continuer à s’isoler pour éviter tout risque d’exposition et de contamination ».
Un nouvel outil pour mesurer la protection acquise avec le vaccin
Faut-il élargir la recommandation à d’autres typologies de patients particulièrement exposés au risque de forme grave de la Covid 19 ? Présidente du Collectif National des Associations d’Obèses, Anne-Sophie Joly met en avant la nécessité pour eux de bien connaitre leur niveau de protection à l’issue de la vaccination. « « Les personnes ayant une problématique de poids, surpoids ou obésité, sont, après les personnes âgées, les personnes les plus vulnérables. Il va falloir malheureusement vivre avec la Covid-19, comme nous vivons avec d’autres maladies virales. Avec ces nouveaux tests, les patients pourront savoir s’ils ont déjà été confrontés au virus, et savoir s’il est important pour eux de se faire ou de se refaire vacciner. »
Une extension à l’étude
A l’heure actuelle, les pouvoirs publics restent prudents dans leur décision, notamment parce qu’il n’est pas possible, aujourd’hui, d’établir une corrélation entre taux d’anticorps neutralisant et niveau de protection suffisant contre le SARS CoV2. Par ailleurs, les tests aujourd’hui ne sont pas -pour le moment- en mesure d’identifier spécifiquement la quantité d’anticorps neutralisants. Mais une étude australienne apparait encourageante, estimant qu’un taux d’anticorps neutralisant de 20% assurerait un taux de protection de 50%, mais que 3% seulement de ces anticorps suffiraient pour protéger les patients contre des formes graves. D’autres travaux devront bien sûr compléter de tels résultats, avec l’objectif principal de déterminer un seuil d’anticorps susceptible de protéger une majorité d’individus contre le SARS-CoV2.
La sérologie intégrée dans le certificat vert européen
Outre les nouvelles perspectives qu’ils offrent pour un suivi individuel et collectif des populations vaccinées, ces tests quantitatifs se positionnent aujourd’hui au cœur d’un autre débat, cette fois plus sociétal et politique : la libre circulation entre les pays de l’Union européenne. Le 28 avril, le Parlement a voté en première lecture un Règlement visant à adopter le « Certificat vert numérique », un ”passe sanitaire” attestant qu’un candidat au voyage en Europe a été dépisté négatif, a été vacciné ou a été contaminé mais peut être considéré comme « rétabli ». Dans ce dernier cas, il pourrait alors se voir délivrer un « certificat de rétablissement », confirmant que « le titulaire s’est rétabli d’une infection par le SARS-CoV-2 à la suite d’un résultat positif à un test TAAN ou confirmant, au moyen d’un test sérologique ou d’un test de détection des anticorps, qu’il a développé une réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2, contenant la date du premier test TAAN positif ou la date du test sérologique de détection des anticorps contre le SARS-CoV-2 ». L’Union européenne propose donc d’intégrer le test sérologique dans l’établissement du certificat de rétablissement, une option que devra confirmer la Commission européenne courant juin.
Un débat au Parlement mi-mai
En France, le certificat vert européen, déjà testé sur certains déplacements (vols vers la Corse), devrait être déployé en phase expérimentale avant le début de l’été. D’abord réticent l’hiver dernier sur ce thème porté par l’exécutif européen, le gouvernement s’est résolu à se placer aux avant-postes sur ce sujet, notamment pour autoriser le retour des rassemblements de plus de 1000 personnes à partir du 30 juin. Mais les détails, et notamment la place des tests sérologiques, devront être discutés au Parlement, probablement à partir du 15 mai. Les députés vont-ils massivement voter pour cet outil, comme leurs homologues européens ? Le test sérologique pourrait constituer une opportunité, pour les personnes qui souhaitent un diagnostic de rattrapage ou pour celles qui n’ont pu effectuer un RT-PCR dans les temps (oubli, asymptomatique, symptômes différés…)
Hervé Réquillart
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