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Jacques Brom, directeur général du LFB : « Renforcer notre souveraineté pour les médicaments dérivés du plasma »

Quinze mois après son arrivée à la direction générale du LFB, Jacques Brom détaille les ambitions qu’il porte pour le groupe français spécialisé dans les médicaments dérivés du plasma. Rencontre avec un expert de la performance industrielle.

Quelles sont les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu exercer un métier au sein de l’industrie. Originaire de l’Est, j’ai d’abord été diplômé de l’Ecole de chimie de Mulhouse -la plus ancienne de France- avant de compléter durant trois ans par un doctorat et la réalisation d’une thèse. Dans ma région, limitrophe de l’Allemagne et de la Suisse et de leurs grands sites industriels, le titre de ”docteur” est un sésame indispensable pour y faire carrière. J’ai obtenu mon premier poste dans une usine du groupe Roche, dans la petite ville de Village-Neuf, située à 50 mètres de la frontière allemande et 30 mètres de la frontière suisse. J’y suis resté cinq ans, en tant que patron de la production de principes actifs. J’ai ensuite rejoint Sanofi et leur site industriel d’Aramon dans le Gard, toujours en charge de la production de principes actifs. Cinq ans plus tard, en 2001, je franchis une étape décisive, en devenant directeur d’usine, toujours chez Sanofi, à Quetigny, dans la banlieue de Dijon. Nous étions en charge des opérations de formulation pour plusieurs spécialités du groupe. J’y ai appris à travailler avec des pharmaciens et à maîtriser les contraintes pour tous les types de formulation possibles. Puis, en 2004, Jean-François Dehecq me propose de prendre la direction du site industriel de Newcastle, dans le Nord-Est de l’Angleterre. Le défi était de taille : obtenir l’agrément FDA pour l’usine et y fabriquer le Plavix® pour le marché nord-américain. Une fois obtenu l’agrément, en 2008, je reviens en France, à Paris, pour prendre des responsabilités nouvelles au sein de l’organisation Corporate, en dirigeant d’abord un groupe d’usines dédiées à la fabrication de principes actifs, puis la totalité des usines du groupe fabriquant les principes actifs des petites molécules, et enfin 37 sites, répartis entre 25 pays, à partir de 2017. Enfin, dernière étape de mon parcours chez Sanofi, on me confie en 2019 un projet d’envergure : préparer la séparation des activités du groupe, avec la création d’une nouvelle entreprise, EuroAPI, et son introduction en Bourse. Ce furent deux années de travail aussi harassant que passionnant, 16 heures par jour, pour tout bâtir de A à Z.

Qu’avez-vous appris de ces années passées aux commandes de sites industriels ?

Pour moi, directeur d’usine, c’est le plus beau métier du monde. A l’époque où je l’ai exercé, le mot ”patron” avait encore du sens, avec de réelles marges de manœuvre en matière de décisions à prendre. Grâce à ces expériences diverses, j’ai appris comment conduire un groupe d’hommes et de femmes, d’un point A à un point B, en connaissant avec une grande précision les différents métiers exercés, leurs contraintes et leurs spécificités, leur contribution à la chaine de valeur et les leviers à employer pour obtenir le meilleur de leur part. Je suis profondément attaché aux relations humaines, et je connaissais les noms et les prénoms de chacun de mes salariés à tous les postes que j’ai occupés. Un manager se doit, selon moi, de porter attention à chaque instant à ses équipes, de les soutenir et de veiller à leur épanouissement dans le cadre de leur vie professionnelle.

En septembre 2022, vous êtes nommé à la direction générale du LFB. Qu’est-ce qui vous séduit dans ce nouveau défi ?

Vous l’avez compris, les challenges industriels sont au cœur de mon ADN. Or, quoi de plus séduisant que le projet de l’usine d’Arras ? C’est un défi hors du commun. L’Etat, qui, je le rappelle, est notre actionnaire, nous fait confiance pour bâtir un outil industriel de très haute technologie et destiné à réaliser le fractionnement du plasma, afin de renforcer l’indépendance sanitaire de notre pays en termes de médicaments dérivés du plasma. Plus de 700 millions d’euros seront au total investis dans le site, avec une ouverture prévue en deux temps, d’abord fin 2024 puis en 2026 pour un fonctionnement à plein régime. Nous sommes dans les temps par rapport au calendrier initial. Je dois, au passage, saluer la formidable implication de l’ensemble des salariés du LFB. Sur ce projet, comme sur toutes les activités du groupe, ils allient un haut niveau de talents et de compétences, une grande rigueur dans la réalisation de leurs missions, et la fierté de contribuer à sauver des vies en extrayant du sang des protéines d’intérêt thérapeutique majeur et en les transformant en médicaments. J’ai rarement pu apprécier, durant ma carrière, autant d’engagement, individuel comme collectif. Outre cette richesse humaine, l’enjeu de santé publique lié aux médicaments dérivés du plasma est extrêmement motivant. Nous devons, plus que jamais, faire évoluer notre outil industriel en termes d’efficacité et de capacité de production, mais également continuer d’investir dans l’innovation thérapeutique.

Quelle stratégie comptez-vous porter pour l’avenir du LFB ?

Elle s’inscrit dans la continuité des quatre axes portés par mon prédécesseur, Denis Delval : prioriser les activités industrielles pour répondre à la croissance du marché, recentrer nos activités sur notre cœur de métier (médicaments issus des protéines plasmatiques ou recombinantes), consolider notre leadership national et accroître notre présence à l’international de manière ciblée sur des marchés-clés, enfin transformer l’entreprise pour plus d’efficacité. Cette stratégie, qu’il nous faut traduire sur le plan opérationnel, passe par la poursuite de la politique d’investissements que nous menons depuis cinq ans, grâce au soutien sans faille de l’Etat. Elle dépend également de notre capacité à attirer et fidéliser les meilleurs talents. Nous venons, par exemple, de recruter un spécialiste de l’excellence opérationnelle, venu d’un groupe concurrent, et qui doit nous aider à installer cette méthodologie à tous les stades de notre modèle de valeur. L’avenir du LFB, c’est d’abord un objectif impérieux de santé publique : répondre efficacement à la forte croissance du marché, de l’ordre de 7% par an, mais également renforcer la souveraineté de notre pays en termes de médicaments dérivés du plasma.

Justement, cet enjeu est étroitement dépendant des ressources en médicaments dérivés du plasma, dans un contexte de forte tension d’approvisionnement. Comment faire face à la hausse des besoins ?

Avant de répondre sur le sujet crucial du don, rappelons d’abord quelles sont les réalités du marché. Le LFB couvre environ 30 à 35% des besoins nationaux en immunoglobulines, contre 65 à 70% assurés par des entreprises étrangères. Afin de consolider la souveraineté de la France, notre objectif est de parvenir à 50% de parts de marché. Mais cela dépend effectivement de la capacité de l’Etablissement Français du Sang à améliorer la collecte de plasma, qui a été fortement perturbée par la Covid 19. Actuellement, la France parvient à collecter 11 litres de plasma pour 1000 habitants, contre près de 25 aux Pays-Bas, 40 en Allemagne et 65 en Autriche. Il faut un plan plasma digne de ce nom, avec davantage de centres de collectes dédiés en France. Il faut également s’interroger : pourquoi un donneur contribue au don de plasma en moyenne deux fois par an seulement en France ? Aux Etats-Unis, où les donneurs sont rémunérés (en moyenne 4000 dollars par an), chacun est autorisé à le faire deux fois par semaine ! Il ne s’agit évidemment pas de s’inspirer de ce modèle, contraire à notre éthique. En revanche, la question de la compensation du don (temps passé, trajet) doit être posée. En France, on estime qu’il faudra parvenir dans une décennie à collecter 2,6 millions de litres de plasma par an. Avec le site d’Arras, nous allons pouvoir tripler nos capacités de production à terme. Plus nous pourrons nous appuyer sur la collecte du plasma en France, moins il sera nécessaire d’acheter du plasma sur le marché international, et donc de s’exposer à d’éventuelles tensions d’approvisionnement et à des coûts plus élevés.

Outre la construction du site d’Arras, vous continuez également à investir dans vos autres sites industriels ?

En effet, et nous avons annoncé, le 5 octobre dernier, le projet de doubler nos capacités de bioproduction sur le site d’Alès. Co-financé par France 2030, dans le cadre de l’Appel à Projets « Industrialisation et Capacités Santé 2030 », cet investissement de 20 millions d’euros au total, dont 6,7 millions d’euros issus de l’appel à projets, va nous permettre de jouer un rôle majeur, aux côtés des start-ups, biotechs françaises et grands groupes pharmaceutiques, pour le développement de médicaments à base d’anticorps monoclonaux et conjugués, de protéines recombinantes ou encore de thérapies cellulaires. Grâce à son statut de CDMO, le site industriel d’Alès, agréé par la FDA, met à disposition de ses clients son savoir-faire et ses équipements industriels. LFB BIOMANUFACTURING leur offre un accompagnement, qui va du développement de lignées cellulaires et de procédés à l’échelle industrielle jusqu’à la fabrication de lots cliniques et commerciaux. Ce projet illustre l’ambition qui structure l’avenir de notre groupe : moderniser en continu notre outil industriel et augmenter notre capacité de production, tout en investissant dans les projets stratégiques de développement  (44 millions d’euros en 2023) pour innover dans nos spécialités (nouvelles formes galéniques, nouvelles indications/territoires) , compléter l’offre du portefeuille de médicaments du LFB et répondre ainsi aux besoins des patients. Notre chiffre d’affaires, en hausse de 14% en 2022, est aujourd’hui de 524 millions d’euros. En 2030, nous devrions être au-delà d’un milliard d’euros.

Recueilli par Hervé Requillart

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