Anticancéreux onéreux : l’Académie de médecine dévoile ses propositions
Dans un rapport présenté à la presse le 7 novembre, l’Académie nationale de médecine s’alarme du coût croissant des nouveaux médicaments anticancéreux et formule quelques propositions à destination des différentes parties prenantes pour limiter la facture et favoriser l’évaluation et l’accès de ces produits.
Alors que plus de 430 000 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués en France chaque année, « la vie des malades a été complètement modifiée » par les nouveaux types d’anticancéreux apparus au cours des deux dernières décennies, applaudit le Pr François Guilhot, hématologue et membre de l’Académie nationale de médecine, citant notamment les thérapies ciblées, les immunothérapies et les CAR-T. Une révolution qui a néanmoins un coût élevé, dont s’alarment les académiciens : compter par exemple plus de 22 000 euros par mois pour un inhibiteur de point de contrôle immunitaire, et en moyenne 350 000 euros pour une injection unique de CAR-T autologues (cellules du patient génétiquement modifiées) – dont le nombre de bénéficiaires, encore limité, croît de façon exponentielle.
Un autre sujet d’inquiétude, dont de nombreux cancérologues se sont déjà fait l’écho, est celui de l’accès à certaines thérapies, visant notamment des cancers très rares, et dont les dossiers d’évaluation ont été jugés insuffisants par les autorités pour obtenir une prise en charge.
Une production publique de CAR-T
En réponse à ces préoccupations, le groupe de travail « médicaments anticancéreux onéreux » de l’Académie, après avoir auditionné 28 personnalités, a rédigé un rapport adopté en séance le 10 octobre dernier et présenté à la presse le 7 novembre. Celui-ci comporte 12 propositions visant à améliorer la disponibilité et la soutenabilité économique de ces produits, s’adressant à l’Etat, à la HAS, à l’industrie ou aux prescripteurs.
Parmi elles figure le soutien aux développements de thérapies CAR-T par des structures institutionnelles (1), en recourant à des lentivirus académiques plutôt qu’à ceux brevetés par l’industrie. « Cette activité existe déjà en Espagne et démarre au Canada », rapporte le Pr Guilhot, pointant une baisse du coût de l’injection d’un facteur 4 à 5. L’Académie préconise aussi la création d’une structure « à but non lucratif », dans le cadre d’un partenariat public-privé, pour fournir aux centres de soins les médicaments nécessaires à un prix fixe. Pour favoriser l’évaluation, le rapport recommande des études médico-économiques plus nombreuses et de meilleure qualité à l’appui des dossiers d’efficience.
Un nouveau type d’ASMR
Les données immatures ou insuffisantes des dossiers soumis à la commission de la transparence pour des thérapies visant des cancers rares conduisent fréquemment à un ASMR V (aucune amélioration), synonyme de non-inscription sur la liste en sus et empêchant ainsi l’accès à ces molécules dans de nombreux établissements. Alors que des réflexions sont en cours pour distinguer deux types d’ASMR V (celles liées à un manque de données et celles dues à une réelle insuffisance du produit), l’Académie de médecine propose la création d’un nouveau type d’ASMR dit « non quantifiable », temporaire et permettant une inscription sur la liste.
Parallèlement, le rapport plaide pour « un effort concerté européen » sur le sujet du prix des anticancéreux, en lien avec leur efficacité, leurs effets indésirables et l’équité d’accès aux soins. « Il n’est pas possible d’y parvenir par la voie politique : seul le biais « technique » d’une évaluation HTA européenne permettra une harmonisation de l’interprétation des conclusions par les Etats », affirme le Pr Yves Juillet, président de la section Médecine et Société de l’Académie. Rappelons que le règlement HTA européen s’appliquera à tous les nouveaux médicaments anticancéreux à compter de janvier 2025.
Julie Wierzbicki
(1) A lire sur Pharmaceutiques.com, un entretien avec le Pr André Baruchel, partisan d’un nouveau modèle de développement, production et commercialisation des CAR-T