Vers une nouvelle impulsion européenne pour les maladies rares
Conduit par Eurordis en partenariat avec plusieurs organisations européennes, le projet RARE 2030 vise à proposer de nouvelles priorités pour une politique européenne des maladies rares. Parmi les sujets clés déjà identifiés : la consolidation des réseaux européens de référence et le renforcement du dispositif des médicaments orphelins.
Le premier congrès digital de l’Alliance maladies rares, organisé le 3 novembre, a permis de faire le point sur l’état d’avancement du projet RARE 2030, qui vise à guider la réflexion sur la politique des maladies rares en Europe au cours des dix prochaines années. La recommandation du Conseil européen, adoptée en 2009, sur l’action communautaire dans le domaine des maladies rares a, selon les participants à cet atelier, permis des progrès considérables dans l’optique d’améliorer la vie des personnes touchées. « Mais nous ne pouvons plus nous contenter de vivre sur cet acquis : les besoins sont encore immenses, clame Yann Le Cam, président d’Eurordis, la fédération européenne des associations de patients atteints de maladies rares, qui coordonne cette étude prospective. Nous pouvons aujourd’hui avoir une ambition plus qualitative, avec des objectifs de santé publique, par exemple un diagnostic dans des délais plus courts, l’accès à des centres spécialisés sans laisser personne derrière… et pourquoi pas des objectifs de survie ? Ce n’est pas inatteignable ! » A condition, selon lui, de ne pas être « trop prescriptif » et de laisser « beaucoup de souplesse » aux Etats sur la façon d’atteindre ces nouveaux jalons, en fonction notamment des spécificités de leurs systèmes de santé.
Une présentation au Parlement européen en février 2021
Près de deux ans de réflexions et de concertations sous diverses formes avec plusieurs groupes d’intervenants (professionnels de santé et experts, jeunes citoyens, patients et leurs représentants) ont permis de faire émerger quatre enjeux jugés aujourd’hui prioritaires : les réseaux européens de référence (ERNs), les registres européens de données, la reconnaissance d’Orphanet et le dispositif des médicaments orphelins. Toutes ces réflexions devront aboutir à des recommandations, qui seront présentées au Parlement européen à l’occasion de la prochaine semaine des maladies rares fin février 2021. Ce serait alors au Parlement de voter une résolution, demandant à la Commission européenne d’adopter un nouveau cadre politique pour les maladies rares.
Lancés 2017, les ERNs ont aujourd’hui montré leur valeur ajoutée, et figurent en bonne place dans la proposition de règlement européen sur la santé EU4Health (2021-2017). Un renforcement financier de ces réseaux sur le long terme est attendu, « pour qu’ils permettent de réelles retombées pour les patients », insiste Jonathan Ventura, project manager de RaDiOrg, qui chapeaute les associations de maladies rares en Belgique. « N’oublions pas que les ERNs existent au sein d’un écosystème, dont chaque partie a besoin des autres pour fonctionner de façon optimale, souligne Ana Rath, directrice d’Orphanet, le portail européen des maladies rares et des médicaments. Si on ne renforce pas ces interdépendances, on va repartir 20 ans en arrière, quand chacun agissait et finançait ses actions de son côté ».
Un dispositif « médicament orphelin » à améliorer
Le processus de révision du règlement européen sur les médicaments orphelins (conduit en parallèle de celui sur les médicaments pédiatriques) a lui d’ores et déjà commencé. Même s’il soulève des « points d’amélioration », le premier rapport publié mi-août par la Commission européenne se montre plutôt positif sur l’efficience du dispositif. Reste que 20 ans après, de fortes inégalités perdurent entre les maladies : « Dans certaines pathologies, les efforts de développement sont tels qu’il devient difficile d’établir le bénéfice significatif d’un produit par rapport à un autre, observe Virginie Hivert, directrice du développement thérapeutique chez Eurordis. A l’autre bout du spectre, la majorité des maladies rares demeure sans solution thérapeutique, avec peu ou pas de recherche. Nous avons vraiment besoin d’un agenda de recherche coordonné, pour comprendre pourquoi certaines restent inexplorées. »
Selon Antoni Montserrat, membre du comité national maladies rares du Luxembourg, la future révision du règlement gagnerait à être menée conjointement avec les Etats-Unis et la FDA, « pour éviter, comme ça peut-être le cas actuellement, qu’un médicament soit considéré comme orphelin aux Etats-Unis et pas en Europe, ou le contraire. La combinaison des marchés américain et européen pourrait aussi constituer une incitation intéressante pour les industriels pharmaceutiques », estime-t-il.
Julie Wierzbicki