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L’Espace européen des données de santé sur sa rampe de lancement

EHDS' (C) Olivier Cailleau

© Olivier Cailleau

Le règlement européen sur l’EHDS promet aux citoyens européens un meilleur contrôle sur leurs données de santé, et aux chercheurs et aux autorités la possibilité d’exploiter pleinement le potentiel de la masse de données disponibles dans les différentes bases européennes. Le chantier reste immense pour adapter ces nouvelles règles au niveau national, déployer les infrastructures techniques et rendre les données interopérables.

Les négociations ont été menées à marche forcée. Moins de deux ans après sa présentation par la Commission européenne, le 3 mai 2022, le compromis sur le règlement relatif à l’Espace européen des données de santé a été définitivement approuvé en séance plénière par les eurodéputés le 24 avril dernier. Ce vote signe la fin du processus législatif. Le texte doit entrer en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’UE – prévue au début de l’automne – pour une mise en application dans des délais de deux à huit ans, en fonction de la complexité des dispositions concernées. Le lancement et le déploiement de l’EHDS seront particulièrement scrutés : celui-ci est en effet le premier des onze espaces européens de données sectoriels qui doivent prochainement être mis en place dans le cadre de la stratégie de la décennie numérique européenne, dont l’un des objectifs est de regagner une autonomie sur les données générées.

Un accès harmonisé aux dossiers médicaux

« Colonne vertébrale » de l’Union européenne pour la santé (1) selon Stella Kyriakides, commissaire européenne à la Santé et à la Sécurité alimentaire, ce texte majeur présente un double objectif. D’une part, offrir aux citoyens un meilleur contrôle sur leurs données de santé, avec notamment la possibilité de les partager avec des professionnels de santé de l’UE (utilisation primaire) pour une meilleure prise en charge transfrontalière. Et d’autre part tirer tout le bénéfice de la masse de données disponibles à des fins de recherche et pour aider les décideurs (utilisation secondaire).
Sur le premier volet, une infrastructure de partage, MyHealth@UE, est déjà partiellement opérationnelle sur certains cas d’usage. « 13 Etats membres – dont la France, pionnière sur le sujet – sont déjà engagés sur une base volontaire », se réjouit Isabelle Zablit, responsable Europe et international à la Délégation au numérique en santé (DNS). Premier cas d’usage, l’accès à la « synthèse médicale du patient » par les professionnels de santé est déjà déployé dans neuf pays, dont la France. A partir de 2026, les citoyens français munis d’une e-prescription pourront obtenir leurs médicaments dans les officines des pays participants, et réciproquement. L’ensemble des pays de l’UE, ainsi que la Norvège, l’Islande et l’Ukraine, devront être connectés à fin 2030. Créant un marché européen unique pour les éditeurs de logiciels, le texte vise aussi à rendre les dossiers médicaux électroniques interopérables, avec un cahier des charges commun.

Des demandes traitées au cas par cas

Le volet le plus impactant sera sans contexte celui sur l’utilisation secondaire des données de santé. « Tous les organismes publics ou privés qui les détiennent auront l’obligation de faire en sorte que celles-ci puissent être mises à disposition à des fins d’utilisation secondaire, contre une redevance pour compenser les coûts induits », expose Emilie Passemard, en charge des questions juridiques à la DNS.
Le texte n’établit aucune différence dans le traitement des demandes d’accès selon les acteurs – organismes publics ou industriels – dont elles émanent : seuls comptent le type de données et la finalité de leur utilisation (2). Chaque Etat membre devra désigner un « organisme d’accès aux données de santé » (HDAB), point de contact unique chargé d’examiner ces demandes au cas par cas. En France, le Health Data Hub (HDH) est pressenti pour jouer ce rôle de coordinateur. Les données devront absolument rester stockées et être traitées sur le territoire européen. Pour autant, si le règlement précise les missions des HDAB, « ce sera à chaque Etat membre d’en définir les modalités de fonctionnement », note Vincenzo Salvatore, partenaire chez Simmons & Simmons.

Un droit d’opposition circonscrit

Mais ces dispositions suscitent une grande inquiétude chez les industriels. « Le règlement est en contradiction directe avec les cadres existants pour la protection des droits de PI et du secret des affaires, en donnant la responsabilité aux HDAB d’agir en tant que contrôleur alors qu’ils n’auront pas l’expertise technique, scientifique, commerciale ou économique pour évaluer si un ensemble de données constitue un secret d’affaire », s’alarme la Fédération européenne des industries pharmaceutiques (EFPIA). L’organisation réclame pour les titulaires de données « la possibilité de rester impliqués dans toutes les étapes de la protection de leur PI, y compris avec un droit final de refuser le partage des données » si celui-ci les rend « susceptibles de subir de graves dommages économiques », comme le prévoit le Data Act (2023).
« Les données d’essais clinique sont confidentielles et doivent être protégées par le secret des affaires. Avec ce nouveau texte, l’industriel perdra le contrôle puisque ce sont les HDAB qui décideront si et comment cette confidentialité doit être protégée, confirme Sarah Bailey, associée en propriété intellectuelle chez Simmons & Simmons. Dans la pratique, il reste une grande marge d’interprétation ! » « Les Etats membres n’ont pas non plus la possibilité de refuser de donner accès aux données stockées sur leur territoire, sauf pour des raisons de sécurité publique », ajoute Vincenzo Salvatore.
Les citoyens auront, pour leur part, la possibilité de s’opposer à l’utilisation primaire ou secondaire de leurs données sans avoir à motiver ce refus. Il sera possible d’y déroger uniquement en cas de demande d’utilisation secondaire par des organismes publics – ou privés agissant dans le cadre d’une mission de service public – pour des « motifs d’intérêt public », sur justification : par exemple des activités de protection contre les menaces transfrontières graves pour la santé nécessitant de disposer d’une source exhaustive de données. « Ce sont des mécanismes qui sont déjà mis en œuvre en France, dans le cadre du RGPD (3) et de la loi informatique et libertés, précise Emilie Passemard. Mais il est clair que pour répondre à l’objectif de maximiser le potentiel de réutilisation des données et les bénéfices que les citoyens pourront en retirer, il faudra faire beaucoup de pédagogie, expliquer aux personnes en quoi ces usages servent leur santé en encourageant l’innovation et la recherche, afin de créer la confiance et d’éviter une vague d’oppositions. » « N’oublions pas que l’on parle de données qui ont été, a minima, pseudonymisées, voire anonymisées », insiste Isabelle Zablit.

Emilie Passemard, en charge des questions juridiques à la DNS :

« Pour répondre à l’objectif de maximiser le potentiel de réutilisation des données de santé et les bénéfices que les citoyens pourront en retirer, il faudra faire beaucoup de pédagogie, afin de créer la confiance. » 

Une infrastructure en phase de test

Pour préparer la mise en œuvre de cette utilisation secondaire, un consortium de 17 partenaires, coordonné par le HDH français, travaille depuis mi-2022 à l’élaboration du pilote préfigurant l’Espace européen des données de santé. Plusieurs jalons majeurs ont déjà été franchis. « Nous avons livré une première version d’un formulaire de demande d’accès unique, qui pourrait à terme être utilisé quel que soit le pays dont émane cette requête, indique Mario Jendrossek, directeur des affaires européennes et internationales au sein du HDH. Nous avons aussi avancé sur le standard de métadonnées européen, qui sera à la base de l’élaboration d’un catalogue centralisé, alimenté par des catalogues nationaux respectant tous le même standard. »
La mission du consortium s’achèvera à la fin 2024 : ses recommandations serviront à la construction de toute l’infrastructure et des services centraux par la Commission européenne. Ses travaux ont déjà influencé un aspect majeur du règlement EHDS : « Nous avons préconisé la mise en place d’une infrastructure transfrontalière à laquelle tous les HDAB seraient connectés. Les demandeurs ayant besoin d’accéder à des données stockées dans plusieurs pays différents n’auront ainsi qu’une seule requête à effectuer, qui sera ensuite renvoyée pour autorisation aux différents Etats concernés », rapporte Mario Jendrossek. Une solution retenue dans le texte voté. Une version « preuve de concept » de l’infrastructure HealthData@EU, réseau informatique qui permettra aux participants d’échanger des informations de manière sécurisée, a été livrée fin 2023. Une phase de tests sur des premiers cas d’usages est en cours avec les trois premiers pays connectés (France, Danemark et Finlande).  

Julie Wierzbicki

(1) Pour aller plus loin, retrouvez dans le numéro de mai de Pharmaceutiques le dossier « Europe : la santé bousculée par les crises ».

(2) L’utilisation secondaire des données de santé « doit contribuer à l’intérêt général de la société », incluant par exemple la recherche fondamentale, la R&D de nouveaux produits de santé et l’amélioration de leur accès, la qualité des soins et l’élaboration des politiques de santé, mais aussi la formation d’algorithmes d’IA à des fins de soins. Est en revanche prohibée « toute tentative d’utiliser les données pour mettre en place des mesures préjudiciables à la personne physique », notamment dans le champ assurantiel, bancaire ou publicitaire.

(3) Règlement Général sur la Protection des Données – RGPD

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